Page:Péguy - Les Mystères de Jeanne d’Arc, volume 3.djvu/94

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le mystère

Cette répugnante maladie de croûtes qui fait d'un homme

L'horreur et la houte de l'homme,

Cet ulcère, cette pourriture sèche, enfin cette définitive lèpre

Qui ronge la peau et la face et le bras et la main,

Et la cuisse et la jambe et le pied

Et le ventre et la peau et les os et les nerfs et les veines.

Cette sèche moisissure blanche qui gagne de proche en proche

Et qui mord comme avec des dents de souris,

Et qui fait d'un homme le rebut et la fuite de l'homme.

Et qui détruit un corps comme une granuleuse moisis- sure

Et qui pousse sur le corps ces affreuses blanches lèvres.

Ces affreuses lèvres sèches de plaies

Et qui avance toujours et jamais ne recule

Et qui gagne toujours et qui jamais ne perd

Et qui va jusqu'au bout,

Et qui fait d'un homme un cadavre qui marche.

C'est de cette lèpre-là qu'ils parlaient, de nulle autre.

C'est de cette lèpre-là qu'ils pensaient, de nulle autre.

D'une lèpre réelle, nullement d'une lèpre d'exercice.

C'est cette lèpre-là qu'il aimait mieux avoir, nulle autre.

Eh bien moi je trouve que c'est trente fois saisissant

Et que c'est m'aimer trente fois et que c'est trente fois de l'amour.

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