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ET DE MORALE CONTEMPORAINES

Mais il ne faut pas se dissimuler les difficultés d’un enseignement supérieur qui s’adresse à des ouvriers ; en Angleterre même, les cours de l’University Extension ne consistent si nous en croyons certains rapports, qu’en exposés plus ou moins élémentaires, ne dépassant pas ceux qui se font dans la « quatrième » ou la « troisième » de nos lycées. Peut-être cet enseignement deviendra-t-il un jour praticable lorsque les Universités populaires pourront créer elles-mêmes, comme le programme de quelques-unes le comporte, des Cours d’adultes qui leur fournissent un auditoire mieux préparé. Encore y aura-t-il toujours à compter avec les conditions de la vie ouvrière. Tant que les ouvriers travailleront dix ou douze heures par jour, comment espérer que beaucoup d’entre eux aient assez de courage pour ajouter à la fatigue du corps celle de l’esprit, ou même assez de force pour que, dans leur corps surmené, leur esprit reste dispos et allègre ?

Si un enseignement régulier semble pour le moment impossible, il ne s’ensuit pas d’ailleurs que les cours des Universités populaires doivent se succéder pêle-mêle, sans aucune méthode. Quand les ressources manquent, on ne peut toujours éviter dans les programmes quelque incohérence ; mais on ne doit pas, en haine des règlements trop stricts, se faire de cette incohérence un système. La Coopération des idées refuse de mettre entre ses cours aucune suite. Pour stimuler et tenir en haleine la curiosité des auditeurs, il faut, déclare-t-elle, « traiter de toutes choses au hasard des jours ». Stimulons la curiosité des auditeurs, c’est fort bien ; seulement, prenons garde à ne pas tirailler leur esprit en trop de sens, à ne pas l’embrouiller par une succession de conférences qui ne