Page:Pellissier - Études de littérature et de morale contemporaine, 1905.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
ÉTUDES DE LITTÉRATURE

celle-là. Vous prétendez, écrit-il dans le Dictionnaire philosophique, que la religion a produit des millions de forfaits ; dites : la superstition. La superstition « est un serpent qui entoure lareligion de ses replis ; il faut lui écraser la tête sans blesser celle qu’il infecte. »

Ce n’est pas à la religion, c’est au catholicisme que Voltaire a fait la guerre. Et, s’il a fait la guerre au catholicisme, nous allons voir que ses griefs sont à peu près tous d’ordre moral.

La doctrine catholique lui apparaît en soi comme une doctrine d’immoralité. Elle se fonde sur le péché originel et la rédemption. Or, il est immoral, selon Voltaire, que Dieu ne nous juge pas d’après notre œuvre, qu’il nous condamne sous prétexte que nos premiers parents se seraient, voilà des milliers d’années, laissé tromper par un serpent, animal des plus astucieux — c’est le péché originel — ; qu’il veuille bien nous sauver — c’est la rédemption — sous prétexte que son fils aurait, en mourant pour nous, racheté nos fautes.

Encore ne pouvons-nous être sauvés sans avoir la foi. Il ne s’agit pas de ce que nous faisons, mais de ce que nous croyons. Les Socrate, les Epictète, les Marc-Aurèle sont éternellement rôtis par les cinq cents diables d’enfer. Mais un Ravaillac, par exemple, jouit de toutes les délices du paradis, car il avait la foi, et « c’est par la foi, » comme dit saint Paul, qu’il assassina Henri IV suspect de préparer la guerre contre le pape, autant dire contre Dieu. Une pareille doctrine paraît à Voltaire monstrueuse. Bien des fois il l’a flétrie. Les hommes, d’après lui, doivent être jugés non sur leurs idées, mais sur leurs actions.

« Le 18 février de l’an 1763, dit-il dans l’article Dogme