Page:Pellissier - Études de littérature et de morale contemporaine, 1905.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
ET DE MORALE CONTEMPORAINES

du Dictionnaire Philosophique, je fus transporté au ciel, comme le savent mes amis, et je vis juger les morts. Et qui étaient les juges ? C’étaient, ne vous en déplaise, tous ceux qui ont fait du bien aux hommes, Confucius, Solon, Socrate, Titus, les Antonins, Épictète, Charron, de Thou, le chancelier de l’Hospital ; tous les grands hommes qui, ayant enseigné et pratiqué les vertus que Dieu exige, semblent seuls être en droit de prononcer ses arrêts…

« Je remarquai que chaque mort qui plaidait sa cause, et qui étalait ses beaux sentiments, avait à côté de lui tous les témoins de ses actions.

« Je voyais arriver à droite et à gauche des troupes de fakirs, de talapoins, de bonzes, de moines blancs, noirs, et gris, qui s’étaient tous imaginé que, pour faire leur cour à l’Être suprême, il fallait ou chanter, ou se fouetter, ou marcher tout nus. J’entendis une voix terrible qui leur demanda : Quel bien avez-vous fait aux hommes ? À cette voix succéda un morne silence ; aucun n’osa répondre, et ils furent tous conduits aux Petites-Maisons de l’univers : c’est un des plus grands bâtiments qu’on puisse imaginer.

« L’un criait : C’est aux métamorphoses de Xaca qu’il faut croire ; l’autre : C’est à celles de Sammonocodom. Bacchus arrêta le soleil et la lune, disait celui-ci. Les dieux ressuscitèrent Pélops, disait celui-là. Voici la bulle In cœnâ Domini, disait un nouveau venu. Et l’huissier des juges criait : Aux Petites-Maisons, aux Petites-Maisons.

« Quand tous ces procès furent vidés, j’entendis alors promulguer cet arrêt : De par l’éternel, soit notoire à tous les habitants des cent mille millions de milliards de mondes qu’il nous a plu de former, que nous ne