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marquer une action comme passée par rapport à un temps passé, je veux dire le plus-que-parfait et le futur antérieur, sont, ce dernier au moins, assimilés à des passés simples ; ainsi dans ces vers de Roland (éd. Léon Gautier, 3093).

Gefreiz d’Anjou i portet l’orie-flambe ;
Saint-Piere fut, si aveit num Romaine,
Mais de Munjoie iloec out pris escange.

Entendez : Geoffroi d’Anjou y porte l’oriflamme ; elle était de saint Pierre, et avait nom Romaine, mais là, elle eut pris (=elle prit) en échange celui de Monjoie. Et de pareils exemples sont tout à fait communs[1]. J’ajoute que l’inverse se rencontre également, et qu’on trouve un simple passé indéfini là où on attendrait un passé antérieur : Quant son aveir lor at tot départit, entre les povres s’assist danz Alexis : quand il leur a tout départi son avoir, entre les pauvres s’assit saint Alexis. Enfin nous faisons une fine distinction entre passé antérieur et plus-que-parfait. Si tous deux marquent une double antériorité, du moins le passé antérieur signifie que l’action dont parle le verbe de la principale survint tout de suite après l’accomplissement de celle qu’il exprime lui-même : « Quand il eut bien fait voir l’héritier de ses trônes Aux vieilles nations, comme aux vieilles couronnes,… il cria tout joyeux : L’avenir est à moi. »

Rien de cela autrefois, et ce vers était très correct :

Ço dist li Reis que sa guère out finée (Rol. 705)[2].

Les mêmes libertés se retrouvant à d’autres modes que l’indicatif, l’imparfait s’échangeant assez facilement avec le plus-que-parfait au subjonctif, le présent avec le parfait au subjonctif et à l’infinitif, une concordance rigoureuse n’étant de règle ni en cas de coordination ni même en cas de subordination, il arrivait souvent que les rapports de temps étaient marqués avec beaucoup moins de précision et les faits, par conséquent, localisés les uns relativement aux autres moins sûrement qu’ils ne le sont aujourd’hui.

  1. Et lors s’en torna l’empereres Henris,… et ot laissié à Andrenople entre les Griex un suen home (Villeh., § 402).
  2. Le roi dit qu’il eut fini sa guerre. De même : Et lors fu a toz ceste parole retraite, si con l’emperere lor ot requise (Villeh. ch. XLI). Cf. Rol. 384. Vint i s s niés, out vestue sa brunie, E out predet dejuste Curcasunie.