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ANCIENS MÉMOIRES

de Montiel et l’oiseau qui en avoit fait sa cage. Ceux qui ne respiroient qu’après la part qu’ils pretendoient dans la distribution des bagages, des équipages et de tout l’argent monnoyé que les ennemis avoient laissé sur le champ de bataille, ne s’accommodoient gueres de cet ordre si precipité qui les empêchoit de satisfaire leur convoitise ; mais il y fallut obeïr. Henry, pour ne les pas decourager, fit garder tout le butin par cinq cens hommes d’armes, avec defense d’y toucher jusqu’au retour de la prise de ce château. La diligence qu’il fit pour gagner Montiel fut si grande, que Pierre se vit investy par un gros corps de troupes lors qu’il y pensoit le moins. Il fut bien étonné de voir que les chrétiens plantoient le piquet devant cette place, et distribuoient les quartiers entr’eux comme pour faire un siege dans les formes, et n’en point décamper qu’ils ne s’en fussent rendus les maîtres. Cet infortuné prince se voyant pris comme dans une ratière, étoit extremement en peine comment il pouroit s’évader. Il demanda conseil au gouverneur pour sçavoir quelles mesures il luy falloit prendre pour se tirer d’un si mauvais pas, luy disant que s’il pouvoit une fois avoir la clef des champs, il reviendroit dans peu fortifié d’un si puissant secours, que tous ses ennemis ne pouroient pas tenir devant luy. Le commandant luy répondit que la place manquoit de vivres et qu’il n’y en avoit pas encore pour quinze jours, après quoy l’on ne pouroit pas se defendre de se rendre à la discrétion d’Henry.

Ce fut pour lors que Pierre repassant dans son esprit touttes les cruautez qu’il avoit exercées dans son regne, le meutre detestable qu’il avoit commis sur la