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[1650] MÉMOIRES

fort adroitement tous les préalables. Je la vis la nuit, et je l’admirai. Je la trouvai d’une capacité étonnante : ce qui me parut particulièrement en ce qu’elle savoit se fixer. C’est une qualité très-rare, et qui marque un esprit éclairé au dessus du commun. Elle fut ravie de me voir aussi inquiet que je l’étois sur le secret, parce qu’elle ne l’étoit pas moins que moi. Je lui dis nettement que nous appréhendions que ceux du parti de messieurs les princes ne nous montrassent au cardinal, pour le presser de s’accommoder avec eux. Elle m’avoua que ceux du parti de messieurs les princes craignoient que nous ne les montrassions au cardinal, pour le forcer de s’accommoder avec nous. Sur quoi lui ayant répondu que je lui engageois ma foi que nous ne recevrions aucune proposition de la cour, je la vis dans un transport de joie que je ne puis exprimer.

Elle ne nous pouvoit pas donner, dit-elle, la même parole, parce que le prince se trouvoit dans un état où il étoit obligé de recevoir tout ce qui lui pouvoit donner la liberté ; mais elle m’assuroit que si je voulois traiter avec elle, la première condition seroit que quoi qu’il pût promettre à la cour, cela ne pourroit jamais l’engager au préjudice de ce dont nous serions convenus. Nous entrâmes ensuite en matière. Je lui communiquai mes vues, elle s’ouvrit des siennes, et me dit après deux heures de conférence : « Je vois bien que nous serons bientôt du même parti, si nous n’en sommes déjà. Il vous faut tout dire…… » Elle tira de dessous son chevet (car elle étoit au lit) huit ou dix liasses de lettres chiffrées et de blancs signés ; elle prit confiance en moi : nous fîmes un petit