Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/352

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reux dans ce temps-là d’une petite femme de chambre qu’elle avoit, qui étoit fort jolie, et qui s’appeloit Agathe. Cet avantage si grand, comme vous voyez, que j’avois sur de Lyonne, fut la principale cause pour laquelle je ne fis pas assez de cas des avances qu’il m’avoit faites par M. de Montrésor. Il ne m’en devoit pas empêcher, et j’eus tort. Deux choses contribuèrent à me faire faire cette faute. La première fut le plaisir que nous avions tous les soirs, Croissy, Châtillon et moi, à tourner le cocu en ridicule ; et j’observai, quoique trop tard, en ce rencontre, ce que j’ai encore remarqué en d’autres, qu’il faut s’appliquer avec soin dans les grandes affaires, encore plus que dans les autres à se défendre du goût que l’on trouve à la plaisanterie. Elle y amuse, elle y chatouille elle y flatte ; ce goût, en plus d’une occasion, a coûté cher à M. le prince. L’autre incident qui m’aigrit d’abord contre de Lyonne fut qu’au sortir du conclave il envoya par ordre exprès de la cour, à ce qu’il m’a dit depuis à Saint-Germain, un expéditionnaire appelé La Borne qui étoit celui du cardinal Mazarin, au palais de Notre-Dame de Lorette, dans lequel je logeois, avec une signification en forme, par laquelle il étoit ordonné à tous mes domestiques sujets du Roi de me quitter, sous peine de crime de lèse-majesté, comme rebelle à Sa Majesté et traître à ma patrie. Ces termes me fâchèrent. Le nom du Roi sauva l’expéditionnaire de l’insulte ; mais le chevalier de Bois-David, qui étoit à moi, jeune et folâtre, lui fit, comme il sortoit, quelque commémoration de cornes, très applicable au sujet. Ainsi l’on s’engage souvent plus par un mot que par une chose ; et cette réflexion m’a obligé