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jules janin

L’œuvre la plus caressée par l’ermite de Passy a été, incontestablement, son heureuse traduction d’Horace, saluée d’une louange unanime, et au sujet de laquelle M. Cuvillier-Fleury a publié une étude fort intéressante, dont nous détachons cette jolie anecdote[1] :

Un jour (c’était aux eaux de Spa, où M. Jules Janin va relire Horace tous les ans), deux des baigneurs de l’endroit l’aperçoivent de loin. « Tiens, dit l’un, c’est Janin ! le voilà à la même place, sous le même arbre, dans la même posture et avec le même livre que je lui vois à la main chaque année… — Je parie que non », dit l’autre, qui, à la distance où ils étaient encore, avait cru s’apercevoir de quelque changement. Les deux amis s’approchent. « Monsieur, dit le dernier en s’adressant au critique, n’est-il pas vrai que vous ne lisez pas en ce moment le même livre que l’an dernier à la même place ? J’ai parié que non… — Vous avez perdu, monsieur. Je lis le même livre et la même édition. Seulement Capé s’est chargé de mettre, cette année, une reliure nouvelle à mon Horace… » M. Jules Janin lisait donc Horace tous les ans ; disons mieux, il le lisait toute

    de bien bon cœur, et j’en félicite l’Académie, qui a eu une bonne journée. J’aurais bien voulu y assister et pouvoir me joindre à tous ceux qui ont applaudi en vous un brillant talent et l’un des caractères les plus aimés les plus aimables de notre rude époque… »

  1. Historiens, Poëtes et Romanciers, par M. Cuvillier-Fleury, tome II, 1863.