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en équilibre lorsque ces grandeurs sont réciproquement proportionnelles aux longueurs auxquelles ces grandeurs sont suspendues.

Ces deux propositions renferment les conséquences proprement mécaniques de l’écrit d’Archimède ; les théorèmes qui les suivent et où l’illustre Syracusain détermine les contres de gravité de diverses aires sont dignes des méditations du géomètre, qui en admire l’élégance et l’ingéniosité, et de l’algébriste, qui y découvre les premières intégrations qui aient été faites ; mais ils n’offrent au mécanicien aucun nouvel éclaircissement sur les questions qui le préoccupent.

Archimède est donc parvenu, en étudiant l’équilibre des graves, au même point qu’Aristote ; mais il y est parvenu par une voie entièrement différente. Il n’a pas tiré ses principes des lois générales du mouvement ; il a fait reposer l’édifice de sa théorie sur quelques lois simples et certaines relatives à l’équilibre. Il a ainsi fait de la science de l’équilibre une science autonome, qui ne doit rien aux autres branches de la Physique ; il a constitué la Statique.

Par là, il a assuré à sa doctrine une parfaite clarté et une extrême rigueur ; mais, il faut bien le reconnaître, cette clarté et cette rigueur ont été achetées aux dépens de la généralité et de la fécondité. Les lois qui régissent l’équilibre de deux graves suspendus aux bras d’un levier ont été tirées d’hypothèses spéciales à ce problème ; lorsque le mécanicien aura à traiter un autre problème d’équilibre, distinct de celui-là, il lui faudra invoquer de nouvelles hypothèses, hétérogènes aux premières, et l’analyse des premières hypothèses ne lui donnera aucune indication qui le puisse guider dans le choix des secondes. Ainsi, lorsqu’Archimède voudra étudier l’équilibre des corps flottants, il devra recourir à des principes sans analogie avec les demandes qu’il a formulées au début du Traité Ἐπιπέδων ἰσορροπικῶν.