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LE BANQUET

passion, tendent des âmes bien nées (cf. 218 a), et pourtant faibles et sans constance ; sur celles qui auront, au contraire, réussi à communier avec la sienne dans l’effort éducateur, trouvant en elle l’assistance dont elles ont besoin[1], sur celles-là il épanchera sa tendresse et sa bienveillante sollicitude. — Ainsi l’éloge de Socrate par Alcibiade apparaît comme le couronnement du Banquet. Il est, par rapport à la personne et à la vie de Socrate, ou du Sage surnaturel et surhumain[2], comme une seconde expression du mythe de l’Amour-démon et de la doctrine philosophique qui y est enveloppée. En même temps il oppose, une fois de plus, les résultats d’une culture bâtarde de l’âme, avec ceux que promet la vraie philosophie aux adhérents de l’Académie platonicienne.


Épilogue (223 b-d).

Entre l’éloge de l’Amour par Socrate ou par Diotime, et l’éloge de Socrate par Alcibiade, il y a si bien correspondance que Platon a voulu donner à l’un et l’autre éloge une terminaison analogue. À peine la Sagesse avait-elle cessé de parler, nous élevant graduellement des émotions charnelles jusqu’à la pure intelligibilité, que surviennent, avec Alcibiade, l’ivresse et la passion ; mais c’est pour rendre hommage à l’incomparable vertu d’un être sans pareil, le Sage. Or, voici qu’une fois de plus, avec une nouvelle bande de fêtards, la passion vient tout submerger d’une vague plus furieuse encore, où s’engloutit l’activité réfléchie de la pensée ; mais de nouveau, au milieu du lourd sommeil de tous ces ivrognes, s’élève la voix

  1. Cf. 212 b et 218 b. De même, dans l’érotique de Pausanias (cf. 184 de), l’aimé joue le rôle de second et d’assistant pour l’œuvre morale de l’amant. Comparer aussi, dans le discours d’Aristophane, 189 d.
  2. C’est une anticipation de la notion du Sage chez les Stoïciens. Cet homme qui n’a jamais froid, qui n’a jamais chaud ; qui est le seul à savoir jeûner et le seul à savoir bien boire ; le seul qui sache aimer la jeunesse et le seul capable de rester chaste dans cet amour ; qui est aussi le seul orateur et le seul général (cf. 221 b), ce n’est plus un homme, et, si ce n’est pas davantage un dieu, c’est du moins, en tant que mixte, un être vraiment exceptionnel, un dieu parmi les hommes, et un homme qui participe à la vie des dieux.