Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XI
NOTICE

au pamphlet de Polycrate ? Un problème chronologique particulièrement épineux se poserait à ce sujet, et il nous importe peu. En tout cas, un dialogue d’Eschine le Socratique, intitulé Alcibiade, une Apologie de Socrate par Lysias, le début du Busiris d’Isocrate[1] montreraient assez, semble-t-il, quel intérêt avait suscité la fiction de ce procès posthume. Que sur l’affaire Platon ait senti le besoin de dire aussi son mot quand l’occasion lui paraîtrait propice, rien de plus vraisemblable. Peut-être même le thème du Banquet n’a-t-il été imaginé qu’en vue d’introduire Alcibiade et de lui faire prononcer un apparent réquisitoire, mais qui fût véritablement un plaidoyer ; de sorte que cet appendice, « fortuit en apparence » serait « la racine… dont tout l’ouvrage est sorti »[2]. Reste une difficulté que j’ai tout à l’heure écartée : celle de la date du pamphlet de Polycrate. S’il est, comme on l’a soutenu, de 392 environ et que le Banquet se place[3] après 384, peut-on croire qu’après un si long temps l’intérêt du débat ne se fût pas épuisé ? Défendre la mémoire de son maître est une des fins de l’activité littéraire de Platon ; devait-il raviver un feu presque éteint ? J’inclinerais donc à assigner à ce pamphlet une date un peu plus tardive, à admettre même que les controverses auxquelles il donna lieu sont contemporaines de l’époque où Platon rentre à Athènes (387), après ses voyages et une absence qui dut être de deux à trois ans[4].

On voit le résultat de cette discussion : de toute façon on aboutit à placer vers 385 environ, et quelque temps après

  1. Pour Eschine, cf. Oxyr. Pap. xiii, n. 1068. — Les ch. 1 et 2 du livre I des Mémorables de Xénophon se réfèrent sûrement à l’écrit de Polycrate (pour Alcibiade : 2, 12-16, 24-26, 39-50). Mais la réfutation a dû demeurer en marge du débat ; voir p. cxiii.
  2. Gomperz, p. 410. Cf. ici p. 74, n. 3 ad 213 c, où il y aurait une indication favorable à la conjecture en question. De même 219 c : Alcibiade fait à Socrate un procès de « non-corruption » (p. 84, n. 2). Peut-être enfin, si Polycrate, auteur d’éloges des pots, des souris et des cailloux (références dans Zeller, Ph. d. Gr. II 1⁴, 1017. 1, tr. fr. II 531, 3), est aussi l’auteur de cet éloge du sel dont il est parlé 177 b s. fin., faut-il voir là une allusion à ce Sophiste.
  3. Comme l’écrit Gomperz, p. 409.
  4. C’est en partie ce que dit Wilamowitz (op. cit. II 105), qui le place en 388 à peu près.