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XVII
NOTICE

le passage mentionné tout à l’heure : ce sont « gens cultivés qui se suffisent à eux-mêmes pour donner de l’intérêt à leur réunion sans recourir à tous ces bavardages, à toutes ces jongleries, rien qu’en prononçant et en écoutant leurs propres discours, et, même quand ils ont bu copieusement, toujours avec tenue et avec bon ordre ». Cette question d’un ordre à suivre est essentielle en effet au cérémonial de notre symposion, en relation avec le protocole qui règle les places : l’ordre va de gauche à droite, de façon que le tour de parole vienne en dernier lieu au plus honoré des convives (177 d, 214 bc, 222 e, 223 c ; cf. p. 5 n. 3, [{{{1}}}]91 n. 1). Une sorte de pique-nique oratoire est ainsi institué et chacun, comme je le disais, en paie sa quote-part (177 c, 185 c, 194 d, 197 e, 212 c)[1].


Questions d’authenticité et de priorité.

Il ne s’est jamais trouvé personne pour douter que le Banquet fût l’œuvre de Platon. Au surplus, son authenticité semble doublement garantie. Tout d’abord, dans le Phèdre, Platon lui-même, en deux endroits, paraît bien faire allusion à son Banquet. Dans l’un (qui est en même temps un renvoi au Phédon, cf. Notice, p. xiv), il dit en effet (242 ab) que nul n’a jamais fait se produire autant de discours que Phèdre, « soit qu’il en fût lui-même l’auteur, soit qu’ils eussent été imposés à d’autres par lui, d’une façon quelconque ». Dans le second (261 a) il donne à Phèdre l’épithète de callipaïs, « père de beaux enfants » ; or Phèdre est appelé dans le Banquet (177 d) « le père du sujet » qui va servir de matière à tant de beaux discours. — D’autre part, il y a dans la Politique d’Aristote un passage (II 4, 1262 b, 11-14) qui peut être tenu pour une citation, bien que ni Platon, ni le dialogue ne soient nommés. Aristote est occupé à critiquer la théorie platonicienne de l’État-un et la prétention de le réaliser en y établissant, par la suppression de la famille (communauté des femmes et des enfants), le maximum d’affection mutuelle entre les individus. « C’est de la même façon, poursuit-il, que, dans les discours sur l’Amour (érôtikoi logoi[2]), Aristophane dit, on le sait, des amoureux,

  1. Cela s’appelle εἰς τὸ μέσον φέρειν (Xénophon Banq. 3, 3) ou, comme dit Théognis dans un passage qui concerne les symposia (491), εἰς τὸ μέσον φωνεῖν.
  2. C’est l’expression même de Platon, 172 b 2.