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NOTICE

est un progrès de la méthode. Mais ce qu’il reproche aux Sophistes et à leurs élèves, c’est d’avoir conçu cette méthode comme verbale et purement formelle, indifférente à la vérité ou à la fausseté du contenu (198 d-199 a).

Le thème de l’Amour avant le Banquet.

Peut-être n’y a-t-il pas lieu de se demander pourquoi c’est à l’Amour que s’adresse l’hommage des banqueteurs. C’est, répondrait-on, que Platon a voulu dire ce qu’est l’amour dans et pour la philosophie ; ce dessein a suggéré le choix de la donnée symposiaque, et, à son tour, celle-ci a appelé la forme littéraire de l’encômion. Mais ce dessein même fut-il entièrement spontané ? N’existait-il pas avant Platon une littérature proprement érotique, à l’encontre de laquelle il aurait senti le besoin d’élever la voix ? Assurément, si l’on considère ce que rapporte Éryximaque des doléances de son ami Phèdre sur l’abandon où a été laissé l’Amour[1], alors que tant d’autres sujets, moins dignes d’un encômion, ont tenté poètes et sophistes (177 a-c), on sera disposé à répondre négativement à cette question. Mais que peuvent prouver ces doléances de Phèdre ? Remarquons en effet qu’elles sont un élément intégrant de la fiction ; qu’elles servent à promouvoir un concours d’éloges en l’honneur de l’Amour ; que sans elles le banquet manquerait de matière censément originale. Certes il n’est pas impossible que, à l’époque où Phèdre est supposé les formuler, elles fussent en fait justifiées. Mais si, entre cette époque et celle où le Banquet fut écrit, elles n’avaient pas reçu quelques satisfactions, la première partie du dialogue serait quelque chose de singulièrement déconcertant. Les parodies qui la remplissent, si elles ne visaient absolument aucune théorie existante, seraient des parodies toutes formelles, dont l’objet ne serait plus que de ridiculiser une manière d’écrire ou un tour de pensée, bref, dirions-nous, de simples pastiches « à la manière de… ». Sans doute, de tels jeux ne sont rien

  1. On a souvent contesté, en ce qui concerne les poètes, l’exactitude de l’assertion que Platon prête à Phèdre. On fait observer qu’il y a des tirades lyriques sur l’amour dans l’Antigone de Sophocle (781 sqq.), dans l’Hippolyte d’Euripide (525 sqq.) ou dans sa Médée (835 sqq.). Rien de plus vrai. Mais ce ne sont pas des encômia, spécialement consacrés à la glorification de l’Amour. Or voilà ce que Phèdre regrette qu’aucun poète n’ait fait jusqu’à présent.