Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxv
NOTICE

est ici plus grande encore, tant par rapport à ce que nous pouvons conjecturer sur le fond même du sujet qu’en raison de doutes trop légitimes sur l’authenticité[1]. En résumé, tant par ce dont il nie l’existence antérieure que par toute l’éloquence dont il est le point de départ, le prologue me paraît prouver qu’avant notre Banquet il y a eu une littérature sur l’Amour, d’inspiration principalement sophistique et dont les cinq premiers discours retiendraient quelques échos.

Les lacunes du récit.

Dans le prologue, un dernier point mérite d’attirer l’attention. Au moment où le président du banquet, Phèdre, va en quelque sorte ouvrir la séance par son propre discours, le narrateur, Apollodore, fait une remarque préliminaire (178 a) : d’une part son témoin, Aristodème, ne se rappelait pas absolument tout ce qui avait été dit ; d’autre part, de ce qui lui a été raconté il a lui-même retenu seulement le plus important[2]. Le même avertissement se renouvelle après le discours de Phèdre (180 c) : plusieurs orateurs ont parlé après celui-ci ; mais Aristodème ne se rappelait plus bien ce qu’ils avaient dit, et Apollodore ne les nomme même pas[3]. Il n’y a pas lieu de rouvrir à ce propos le débat sur l’historicité : celle-ci s’accommoderait en effet le mieux du monde des réserves d’un témoin quant à la fidélité de ses souvenirs. Mais on peut y voir aussi, inversement, l’indice

  1. Diogène Laërce attribue à Antisthène un livre Sur la procréation des enfants et sur le mariage, éroticos, c’est-à-dire du genre des écrits sur l’Amour (VI 15) ; un autre, de titre incertain, soit Cyrus ou le bien-aimé (Κῦρος ἤ ἐρώμενος), soit Maître ou bien-aimé (κύριος ἤ ἐρ.) (ibid. 18). Le même auteur mentionne un dialogue d’Euclide de Mégare, qu’il désigne seulement par son caractère générique, érôticos (II 108). Que dire des dialogues Sur l’Amour qui sont attribués, ou à Simon le cordonnier (ibid. 122), dont on ne sait s’il a existé, ou à Simmias le Thébain (124 ; cf. Phédon, Notice, p. xiv sq.) ?
  2. La ponctuation usuelle (point en haut après πάντα a 3) ferait couper la phrase après celui-ci. Mais Apollodore me paraît plutôt vouloir dire : d’abord, que sa mémoire à l’égard du récit d’Aristodème n’est pas plus fidèle que n’était la mémoire de ce dernier à l’égard des choses qu’il a entendues ; ensuite, que ce qui s’est imposé à elle, c’est le plus frappant ; c’est donc cela seul qu’il a voulu retenir (et dont il s’est informé auprès de Socrate, cf. 173 b), et cela seul par conséquent qu’il rapportera à ses amis.
  3. Comparer dans le Phédon (103 a) une formule analogue.