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LE BANQUET

258 e). Quant à dire que ce sont « ses malheurs et son dénûment qui lui ont fait venir l’idée de se livrer à la philosophie », c’est chez Alexis, dans son Phèdre, une plaisanterie de comique, ennemi des philosophes[1]. En somme, bien loin d’être, comme on l’a dit[2], un type de bourgeois moyen, Phèdre est plutôt ce que nous appellerions « un fort en thème » : tête bien pleine, intelligence verbale ; sympathique pourtant par son ambition de savoir et par la délicatesse de ses aspirations morales.

Son éloge de l’Amour, farci d’érudition livresque et témoignant avec chaleur du désir de trouver dans l’amour un ferment de moralité, est une fidèle image de son caractère. Bien entendu, comme le faisaient prévoir ses confidences à Éryximaque (177 a-c), l’Amour est pour lui un très grand dieu, un dieu incomparable, tant pour le rang qu’il occupe parmi ses pareils que, d’autre part, pour l’ennoblissement dont il est la source chez les hommes ; enfin cet ennoblissement est au plus haut degré chez celui qui rend à l’Amour l’hom-

  1. Alexis est un des représentants de la Comédie moyenne au ive siècle. Il met cette déclaration dans la bouche même de Phèdre : l’idée lui est venue « en faisant la route du Pirée ». Le reste du fragment (Kock Com. att. fr., II n. 245) est amusant ; mais c’est moins un portrait de Phèdre qu’une caricature du discours de Diotime, assez étrangement placée dans la bouche de cet enfant de la Sophistique : « À mon avis, ce qu’est l’Amour, les peintres l’ignorent et, pour le dire en un raccourci serré, tous ceux qui font des images de cette divinité. Sachez qu’il n’est ni femelle ni mâle, puis ni dieu ni homme, ni stupide ni inversement intelligent, mais qu’il est un tas de choses de partout, et qu’en une forme unique il comporte une foule de qualités : s’il a l’audace d’un homme, il a la pusillanimité d’une femme ; il a la démence des fous et le raisonnement d’un être sensé ; la violence d’une bête ; la forte trempe de l’acier ; l’appétit d’honneurs d’une divinité ! Tout ça, par Athéna et par tous les dieux, je ne sais pas ce que c’est, mais c’est bien pourtant quelque chose comme ça, et j’ai le mot au bout de la langue ! » — Sur Phèdre, voir la charmante étude de L. Parmentier L’Âge de Phèdre dans le dialogue de Platon, Bulletin Guill. Budé, janv. 1926, p. 8-21. D’après lui Phèdre serait mort en 396/5 au plus tard, peut-être même avant 399, s’il est vrai (ce que je ne crois pas) qu’autrement son amitié pour Socrate eût fait de lui un des assistants de la dernière journée du Maître.
  2. C’est l’opinion de Hug, Introd., p. xlvi.