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NOTICE

mage le plus entier. Pour prouver le premier point (178 a-c), il pose en principe que le plus ancien est le plus vénérable ; or l’ancienneté la plus grande appartient à l’Amour : c’est ce qu’enseigne la mythologie, et, comme la tradition mythologique est dans les « auteurs », il cite ceux-ci, il répète ex professo une leçon bien apprise (cf. p. 11, n. 1). Le second point (178 c-180 a) est traité dans le même esprit : la thèse est qu’il n’y a pas de principe moral qui soit supérieur à l’amour ; l’amour masculin en particulier (cf. p. xliv sqq.) est la source privilégiée du sentiment de la solidarité sociale et du sentiment de l’honneur[1]. Mais en outre Phèdre entend généraliser : même l’amour de la femme pour l’homme ou celui de l’homme pour la femme est, ou peut être, un principe de désintéressement, et, si le désintéressement n’est pas complet, c’est que l’amour est lui-même sans force. Quant à la preuve, c’est encore à ses « auteurs » qu’il la demande, aux histoires qu’ils ont racontées dans leurs poèmes ou dont ils ont tiré leurs drames : c’est Alceste qui, par amour, s’est vouée à la mort pour que vive son époux ; c’est Orphée qui, au contraire, n’a pas puisé dans l’amour le même courage ; c’est Achille qui a choisi de se sacrifier pour que la mort de Patrocle, son amant, ne demeurât pas sans vengeance. Il y a lieu toutefois (180 ab), dans l’appréciation du mérite moral que comporte le dévouement inspiré par l’amour, de faire une distinction, et ici encore Phèdre parle sur un « texte », et qu’il discute : sa conclusion est que, si l’amant est chose plus divine que l’aimé puisqu’en lui habite le dieu, en revanche le mérite de l’aimé a plus de prix puisque celui-ci se dévoue à l’Amour.

Discours froid et sec dans sa partie érudite et dont ailleurs

  1. J’ai déjà parlé plusieurs fois (p. ix n. 1, p. xii n. 1, p. xxxiv) du passage (178 e sq.) qui serait, ou une anticipation du bataillon sacré des Thébains, ou une allusion à ce corps célèbre. Or on doit observer que, d’après Plutarque (Pélopidas 18 sq.), lequel au reste se souvient à cet endroit du Banquet 180 b, cette formation guerrière fut l’œuvre de Gorgidas, et que Pélopidas eut seulement l’idée d’en grouper les éléments en un corps unique, au lieu de les faire servir à encadrer d’autres troupes. Peut-être l’idée était-elle donc déjà dans l’air une décade environ avant Leuctres (371), et il est possible aussi qu’il ait existé quelque chose d’analogue chez d’autres peuples doriens.