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LE BANQUET

l’exaltation morale semble un peu essoufflée. On l’a taxé de contradiction : le dévouement de l’amant pour l’aimé, dit-on par exemple, ne devrait pas conduire à donner plus de valeur à celui de l’aimé pour l’amant. La vérité est plutôt qu’il y a dans la pensée deux moments : on envisage d’abord le sacrifice de soi comme la mesure de l’amour, d’une part chez des amants de sexe différent, Alceste à l’égard de son mari, Orphée à l’égard de sa femme, d’autre part chez un bien-aimé, Achille ; ensuite, on se demande laquelle de ces deux formes du sacrifice est la plus belle, et on répond que c’est la seconde. — En tout cas, on voit assez mal quelle ressemblance, pour le fond et pour la méthode d’exposition, il peut y avoir entre ce discours et celui de Lysias, ou du prétendu Lysias, dans le Phèdre, sur les raisons de préférer l’amant sans amour à l’amant passionné[1]. Certes Phèdre est un admirateur de Lysias, tel que le représente Platon, pauvre d’idées et uniquement soucieux d’en varier l’expression. Mais la comparaison dont il s’agit ne peut en rien prouver, semble-t-il, que l’éloge prononcé par Phèdre soit un pastiche de Lysias. Au surplus, ne nous suffit-il pas que le morceau soit dans la ligne du personnage de Phèdre, comme Platon l’a dessiné ?


Pausanias
(180 c-185 c).

Sur Pausanias lui-même il n’y a rien à ajouter à ce qui a déjà été dit (cf. p. XXXI, n. 1, p. xxxiv). Dans sa forme, son discours s’apparente à la manière d’Isocrate[2]. Une petite phrase, qui suit immédiatement le discours, semble même destinée à suggérer cette parenté : après sa plaisanterie sur

  1. À l’encontre de ce que dit Brochard, p. 68 (cf. ma Théo. platon. de l’Amour, p. 96). — Pour ce qui précède, Hug, p. xlv sq.
  2. Les éditeurs (par exemple Hug, p. 52 et Bury, p. xxvii sq.) ont noté dans le passage 180 e sq. la correspondance rythmée des périodes et de leurs membres ou côla. Il y a quatre périodes, les trois premières de trois membres chacune, et tous à peu près de la même longueur, plus courts cependant dans la troisième ; la dernière est de quatre membres, alternativement courts et longs. Aristote (Rhet. III 9, déb. et de 1409 a, 34 à la fin) appelle cette façon d’écrire la manière à retours ou par périodes balancées et par antithèses, par opposition au style continu ou lié ; il la compare aux strophes et antistrophes des anciens poètes. Or il y a chez Isocrate des exemples caractéristiques de cette façon d’écrire.