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LE BANQUET

[cf. ici 199 b, 221 e]. Et pourtant un homme en qui auront été réalisées égalité [parisômena] et similitude à l’égard de la vertu, avec toute la perfection qu’il est possible d’atteindre, et ayant le pouvoir dans un État qui soit, à son tour, tel qu’il est lui-même, voilà ce qui ne s’est jamais vu, ni une seule fois, ni plusieurs. » S’il est vrai, comme on l’a dit, que Platon pense ici à Isocrate et à son Panégyrique d’Athènes (vers 380), la façon dont il le suggère est instructive pour le cas présent : il transpose en effet dans le plan de la philosophie politique les figures rhétoriques d’Isocrate, et il joue sur la syllabe semblable dans le nom de celui-ci et dans la parisose.

Quant à la question de savoir à quelle source historique déterminée peut être puisé le contenu du discours de Pausanias, elle ne me paraît pas, actuellement au moins, susceptible d’une réponse. On a pensé à Prodicus de Céos[1]. Mais suffit-il pour justifier cette hypothèse que, dans le Protagoras (cf. p. XXXI, n. 1), Pausanias soit, avec Agathon d’ailleurs, de ceux qui entourent le célèbre Sophiste ? qu’il donne une grande importance à la distinction des deux Amours ? Or cette distinction n’atteste en rien les préoccupations sémantiques, le souci de déterminer le sens des mots, dont l’ostentation prétentieuse a été ridiculisée chez Prodicus dans le Protagoras (337 bc) : elle est pour Pausanias l’occasion d’une analyse de faits. Dans son critérium de la valeur morale des actions il n’y a rien non plus qui puisse être rapporté avec quelque assurance à Prodicus : la thèse que lui attribue le dialogue pseudo-platonicien Éryxias (397 cd ; cf. 396 e sq.), et qui est d’ailleurs une idée assez commune[2], est quelque chose de beaucoup moins précis et de moins défini. Il me paraît plus prudent de prendre Pausanias tel que Platon nous le donne, tel que nous prenons le Calliclès de son Gorgias ; de considérer en eux-mêmes son tour d’esprit et sa doctrine, comme significatifs de sa personnalité, comme définissant un individu dont par ailleurs on n’est pas plus informé qu’on ne l’est de Calliclès ; de l’envisager en somme comme on fait d’un personnage de théâtre. De ce point de vue nous dirons que, sur la scène, au mythologue pédant,

  1. Brochard, art. cité 68-70, qui renvoie à Gomperz Pens. de la Grèce, tr. fr. I 454 sq.
  2. Cf. Diels, Vorsokr. II 275³ (note ad l. 23).