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NOTICE

succède un « sociologue » pareillement pédant, pareillement fidèle à l’inspiration sophistique, mais dont la pensée est singulièrement plus vigoureuse et plus précise.

À la vérité Pausanias, au début, paraît avoir, lui aussi, des préoccupations mythologiques. Mais ce n’est qu’une apparence : son but véritable est de déterminer exactement la question, et pour cela il utilise une distinction qui est socialement attestée par des croyances et par un culte, peut-être spécifiquement athéniens (cf. p. 15, n. 1, d’après Pausanias le Périégète, I, 14, 6 ; 22, 3). Son exorde rappelle celui que Diogène d’Apollonie, mi-physicien, mi-sophiste, donnait à son traité De la nature (Vorsokr., chap. 51, B 1) : on nous propose, dit-il, de louer l’Amour ; mais le sujet, ainsi présenté, est équivoque et, avant de louer, il faut s’entendre sur ce qu’il s’agit de louer. Si en effet l’existence de deux Aphrodites, l’une Céleste et l’autre Populaire[1], est attestée par un culte différent, il s’ensuit, l’Amour et Aphrodite coopérant à la même œuvre, qu’il doit y avoir aussi deux Amours, l’un Céleste et l’autre Populaire. L’un et l’autre sont dieux, et à tout dieu un culte est obligatoirement lié. Mais les cultes sont des faits, et il faut en apprécier la valeur relative en fixant la hiérarchie des dieux auxquels ces cultes s’adressent. Quel est donc celui des deux Amours qu’il convient de louer ? Ainsi, une interprétation des faits, mythes, croyances et cultes, apparaît nécessaire, et c’est à ce point de son exposé de motifs que Pausanias fait appel au critérium d’appréciation dont je parlais tout à l’heure ; chacune des manifestations de notre activité, et par conséquent l’acte même d’aimer, est en soi indifférente quant à sa valeur morale ; elle ne devient bonne ou mauvaise, louable ou blâmable, que par la façon dont elle est accomplie (180 c-181 a). — Si tel est bien l’enchaînement des idées, on voit que la mythologie l’intéresse seulement comme utile à la détermination du sujet, en intro-

  1. Cette deuxième Aphrodite est celle de la tradition homérique, la fille de Zeus et de Diônè (Il. V 370). Mais une autre tradition (cf. Hésiode, Théog. 188-206) faisait naître Aphrodite de la semence qui, sur la mer, écumait autour des lambeaux de la chair d’Uranus mutilé par son fils Cronos. C’est en ce sens qu’elle est fille d’Uranus, de Ciel, donc Uranienne ou Céleste, mais cela sans avoir eu de mère. Elle n’est pas seulement, par suite, plus ancienne que l’autre, mais même plus ancienne que tous les Olympiens (comparer p. 54, 3).