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NOTICE

simplement chez les détenteurs du pouvoir, soit encore l’impudence avec laquelle on l’étalait, ou bien enfin le défaut de discernement dans le choix des affections (cf. p. xviii, n. 1).

Ce qui le donne à penser, c’est précisément l’effort dont témoigne le discours de Pausanias, d’ennoblir cette coutume afin de la justifier plus aisément. On voulait en faire un privilège des hommes cultivés, l’arracher à la passion grossière, l’utiliser, au moins en apparence, comme un instrument d’éducation morale : l’amant devenait un guide et un protecteur pour son aimé ; celui-ci, un « second » tout dévoué à la défense de la personne, de la réputation, des intérêts moraux ou matériels de celui qui l’aimait. On s’appliquait à convaincre autrui et à se convaincre soi-même qu’une telle union ne devait rien à l’emportement de la passion, mais qu’elle était l’œuvre d’une volonté réfléchie, et qu’elle entraînait après elle un enrichissement de la notion de justice par la spécification des obligations qui sont propres à chacun des deux états que comporte l’union dont il s’agit (184 de). Qu’on oublie la dépravation de la pratique : cette façon de sublimer l’amour fera songer alors à notre Chevalerie médiévale ; en toute occasion le Chevalier agit avec la pensée d’un idéal, qui est de se montrer ou de se garder digne de l’amour de sa Dame, ainsi, le bien-aimé ne fera rien dont il puisse avoir à rougir devant son amant, et c’est justement ce que disait Phèdre (178 de). Dans ce souci chez l’agent moral de mériter l’estime d’une personne qu’il a, par choix, placée au faîte de ses plus hautes aspirations, nos répugnances à l’égard de ce qui l’accompagne ne doivent pas nous empêcher de reconnaître une étape décisive dans l’évolution du sentiment de l’honneur.

Un autre indice semble encore attester à quel point était extérieure la réprobation de ces pratiques : c’est le soin que met Platon à les condamner dans les Lois. Au livre I (636 b-d), ce sont surtout les usages de Sparte et de la Crète qui sont visés, et ce sont les gymnases que Platon incrimine. Par ces usages, les antiques maximes de conduite et la loi naturelle, qui règlent les plaisirs de l’amour chez l’homme ou l’animal, ont été bouleversées. La loi naturelle est en effet que ces plaisirs soient réservés à l’union des sexes contraires, en vue de la génération ; l’amour masculin est contre nature, et son origine ne peut s’expliquer que par l’intempérance à l’égard du plaisir ; si les Crétois ont inventé la fable de