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LE BANQUET

Ganymède, c’est pour pouvoir se justifier par l’exemple de Zeus, auteur prétendu de leurs lois. — Au livre VIII, la question est envisagée dans sa généralité : Platon s’occupe alors de légiférer sur les relations sexuelles, et la solennité de son préambule (835 c) montre assez quelle importance il attache au problème. Pour condamner la liberté que les lois de Sparte et de la Crète accordent à l’amour masculin, il invoque d’abord, comme tout à l’heure, la nécessité de garder l’accord avec la nature et l’exemple des bêtes (836 a-c). Puis, après avoir défini l’amour comme la modalité forte de l’amitié, qui porte, soit le semblable vers son semblable, soit le contraire vers son contraire, amour paisible ou bien sauvage, il admet une espèce mixte de l’amour. Mais, aussi bien à la façon dont il en parle ici que par la conception qu’ailleurs il se fait du mariage comme seul cadre légitime des relations sexuelles (cf. 839 a, 840 de, 841 de), on a l’impression que c’est justement par rapport à des relations entre mâles qu’il considère cette espèce mixte de l’amour : voilà l’objet principal de ses préoccupations, et ce sont ces relations qu’il s’étudie à transformer. À côté du désir qu’éprouve l’amant de porter la main sur la fleur de la beauté qu’il admire, l’idée lui viendra que cela est mal : il voit alors cette beauté plus qu’il ne l’aime, et c’est dans son âme qu’il a le désir d’une âme ; il tient pour un dérèglement les satisfactions sensuelles ; ce qu’il respecte et vénère, c’est la modération, la force du vouloir, la noblesse des sentiments, l’intelligence ; ce qu’il veut, c’est de toujours se conduire avec pureté dans ses rapports avec un bien-aimé pareillement pur (837 a-d). Le but du législateur sera donc de créer dans la conscience collective, à l’encontre de l’amour masculin, une maxime (nomimon), une sorte de préjugé social qui égale en contrainte celui qui s’oppose à l’inceste (838 e-839 c). Quoi donc ? ajoute Platon, cette chasteté à laquelle des athlètes savent se soumettre durant leur entraînement, qui entre les saisons de la reproduction est naturelle aux bêtes, serait-elle au-dessus des forces d’hommes et de femmes dont l’âme est infiniment plus cultivée que celle des athlètes et dont le corps a moins de vigueur ? Et il poursuit : « Si toutefois nos citoyens [ceux de la Cité future] se laissent corrompre par le reste des Grecs et par la plupart des Barbares, en voyant et en entendant dire que pour ces gens-là c’est l’Aphrodite nommée l’Indisciplinée