Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/61

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NOTICE

Sous ce rapport il y a lieu d’envisager, d’une part la création de l’œuvre et, de l’autre, la diffusion de l’œuvre et l’action qu’elle exercera sur les esprits. Comment s’appliquera alors la distinction de Pausanias, qu’Éryximaque s’est proposé de généraliser (186 a, bc) ? L’auteur, dira-t-on, doit être un honnête homme, soucieux de rendre honnêtes, ou plus honnêtes, ceux qui connaîtront son œuvre : c’est sa façon d’être un bon amant ; quant à l’auditeur ou spectateur, celui dont l’auteur recherche les faveurs, c’est-à-dire l’applaudissement, il ne doit les accorder qu’à celui qui les mérite. Un pareil discernement de ce qui, en ces matières, est un bon ou un mauvais amour, est particulièrement difficile et exige par conséquent, d’après Éryximaque, une technique appropriée[1]. Ce qui achève d’éclairer sa pensée, c’est la comparaison qu’il établit à la fin entre les jouissances que procurent la musique ou la poésie, et les jouissances de la table : il appartient au médecin de régler l’usage de celles-ci pour les empêcher de devenir nuisibles ; or les plaisirs du goût esthétique ont autant besoin d’être réglés que ceux du goût gastronomique[2] ; on a

  1. La raison pour laquelle il rapporte un des deux Amours, le bon, à la Muse Uranie, et l’autre à la Muse Polymnie, est obscure. À la rigueur, la relation de l’Amour pandémien avec Polymnie s’expliquerait en ce que la poésie lyrique, dont cette Muse est la patronne, est l’expression de sentiments personnels, souvent très passionnés ; d’où la nécessité, indiquée par Éryximaque, d’un usage prudent de cette poésie, qui peut troubler dangereusement certaines natures impressionnables. Mais que vient faire ici Uranie, Muse de l’astronomie ? C’est ne rien expliquer que d’alléguer l’allusion à l’Aphrodite Uranienne de Pausanias ; car l’embarras vient précisément de ce qu’elle est remplacée ici par une Muse qui, elle, n’est pas Céleste au sens olympien du mot, mais occupée des choses du ciel astronomique, et en outre de ce que la relation de cette Muse avec la poésie et la musique n’est nullement évidente. Éryximaque pense-t-il à l’harmonie pythagorique des Sphères et, d’une façon générale, à la traduction musicale des intervalles qui séparent les astres, ainsi que du rapport de leurs vitesses ? Se souvient-il de la poésie astronomique attribuée à Hésiode, à Thalès de Milet ou à Cléostrate de Ténédos (Vorsokr., ch. 1, B 1 ; ch. 68 a ; ch. 70) ? Une chose du moins paraît certaine, c’est qu’il veut à une poésie et à une musique profanes, qu’il faut contrôler et surveiller, opposer une musique et une poésie sacrées.
  2. On pourrait, quoique l’esprit en soit très différent, rappeler à