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LE BANQUET

le prouvent (cf. p. xxxi, n. 1 ; p. li). Il y en a d’autres. Son hoquet d’ivrogne ou de glouton était répugnant : le voici qui s’emploie maintenant à se chatouiller les narines et à multiplier les éternuements. Qu’il s’en amuse lui-même, qu’il y trouve prétexte à railler la théorie d’Éryximaque (189 a et note), peu importe ; il n’en est pas moins vrai qu’en cela, après avoir été dégoûtant, il devient ridicule. À la vérité il y a un ridicule qu’il redoute plus que celui-là : ce serait, voulant faire rire et remplir ainsi sa fonction de poète comique, d’avoir manqué son but (b). Or les menaces badines que là-dessus profère Éryximaque cachent, semble-t-il, une intention : qu’il prenne garde que la farce ne tourne à sa confusion, il n’aurait à s’en prendre qu’à lui-même ; il n’avait qu’à se tenir tranquille, et pourquoi a-t-il attaqué ? il a des comptes à rendre, et, si on lui donne quitus sans lui faire payer toute sa, dette, c’est qu’on le voudra bien (bc) ! De fait, que sera le discours d’Alcibiade, sinon une réponse aux Nuées ? Celles-ci faisaient de Socrate un méprisable Sophiste : on verra qu’au contraire il est le Sage, l’homme incomparable ; il sera donc vengé, sans que l’offenseur ait été contre-attaqué personnellement. Comme pour suggérer que telle est en effet son intention, Platon empruntera (221 b) un vers à ces mêmes Nuées, pour en changer la satire en une louange ; il fera entrer Alcibiade au moment où, seul de tous les assistants, Aristophane veut élever une protestation contre le discours de Socrate (212 c) : silence lui est imposé, pour que l’attention se détourne sur celui qui glorifiera le héros qu’il a honteusement bafoué. Est-il bien sûr d’ailleurs d’avoir réussi la farce qu’il a tramée contre Socrate dans sa comédie (213 c) ? Sans doute, encore, n’est-ce pas sur le seul Aristophane que porte l’ironie de Platon quand, avec Phèdre, Pausanias, Éryximaque et Agathon, il le met parmi ceux que possède le démon de la philosophie (218 ab) ; mais si, dans cette énumération, il accole son nom à celui d’Aristodème, d’un admirateur de Socrate passionnément attaché à sa personne, c’est probablement de sa part un sarcasme supplémentaire. Il n’est pas impossible enfin que ces ignorants et ces imbéciles qui ne trouvent dans les discours de Socrate que matière à plaisanteries (221 e), ce soit encore Aristophane, entre d’autres comiques. En résumé, si Platon a fait dans le Banquet une place à Aris-