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NOTICE


Agathon
(194 e-198 c).

De traits épars à travers le Banquet et du discours même d’Agathon se dégage une amusante figure de comédie. On le voit ici dans l’éclat d’une beauté qui, depuis sa jeunesse, est fort admirée (Protagoras, 315 de) et à l’épanouissement de laquelle rendent hommage à la fois Socrate, Alcibiade (174 a, 212 e, 213 c), et surtout, de la façon qu’on sait (193 b fin, cf. e), Pausanias. Il a trente ans environ, et sa victoire, dès la première bataille, réalise les promesses d’une adolescence bien douée (Protagoras, ibid. et ici 173 a, 175 e). Par la fête qu’il offre à ses amis il prolonge en quelque sorte la jouissance de son triomphe. Mais sa joie veut rester élégante et discrète : il tient à paraître un « homme du monde », que son succès intéresse bien moins que le plaisir de recevoir des amis. Sa politesse choisie n’est jamais en défaut, ni dans sa bienvenue au convive qui survient sans avoir été invité (174 e), ni dans la déférence avec laquelle il accueille Socrate (175 cd), ni dans la bonne grâce qu’il met à se laisser, au profit de ce dernier, dépouiller des bandelettes dont Alcibiade l’avait couronné (213 e). Tout au plus lui arrive-t-il une fois de se départir du « bon ton », quand il s’aperçoit que son entretien avec Socrate tourne à sa confusion et qu’il n’est plus en flatteuse posture (201 bc ; cf. p. xxv). Agathon est un « homme de lettres » qui cherche à dissimuler sa vanité professionnelle (194 b) sous les dehors d’un « homme de qualité », une sorte de retournement de ce Critias qui, né grand seigneur, aspirait au renom d’écrivain. Sa double prétention s’étale quand il se déclare incapable de s’abaisser à surveiller des valets, dont il a cependant percé à jour les roueries, et à l’amour-propre desquels il préfère adresser un appel condescendant (175 bc). Tous ces traits suffisent par leur accord à mettre en lumière l’unité du caractère.

Chez Platon les limites d’un persiflage malicieux ne sont point dépassées (par ex. 175 e, 194 a-c, 198 a-c), ni du reste dans la discussion qui suit le discours d’Agathon ou dans le prétendu entretien de Socrate avec Diotime. À l’égard d’Agathon, Aristophane avait eu, dans ses Thesmophories, la dent singulièrement plus dure[1]. À deux reprises (177 d, 193 b),

  1. Sur Agathon dans les Grenouilles, cf. p. xxi.