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LE BANQUET


Conclusion de la première partie
(198 a-199 b).

Le programme du symposion n’est pas achevé, puisqu’il reste encore un orateur à entendre, Socrate. Mais la première partie va se clore : c’est maintenant au tour de la Philosophie de prendre la parole. Auparavant, il faut donc dégager la leçon de cette première partie et lui donner une conclusion. Celle-ci servira en même temps de préface à la deuxième partie du dialogue. — La confiance dans le triomphe prochain de la Philosophie s’y affirme en effet. Il est vrai que c’est sur le mode ironique : les compliments de Socrate à Agathon sont une dérision à l’égard de la culture rhétorique, dont son discours est un parfait échantillon. D’autre part, s’il proteste contre l’opinion trop favorable qu’on se fait de son intervention dans le concours engagé, tous cependant sont déjà manifestement convaincus qu’il gagnera sans difficulté le prix. Sa réputation est faite : il n’est jamais à court d’arguments, et il sort toujours à son honneur des situations les plus inextricables (198 ab ; cf. 223 a et Phédon 88 e sq., 96 ab). En second lieu, nous trouvons ici, en même temps qu’une critique, dont le ton n’est plus celui de l’ironie, du point de vue rhétorique ou sophistique sur la conception de l’éloge, une détermination du point de vue philosophique : autrement dit, la recherche ardente et loyale d’une vérité universelle et éternelle, en face d’opinions individuelles et contingentes, relatives à des circonstances particulières de temps et de milieu, opinions arbitraires et non contrôlées. Qu’ont fait en effet tous les orateurs précédents ? Ils ont, à tout prix, voulu vanter l’Amour, dans ses attributs comme dans ses effets, sans se soucier de savoir ce qui en est réellement ; uniquement occupés d’en faire accroire, autant qu’ils pourraient, à des ignorants. Un simulacre d’éloge, est-ce donc là ce qu’on se proposait ? Si l’on veut de lui un éloge sincère et dont la règle soit de dire la vérité, Socrate est prêt à le prononcer ; à condition encore, toutefois, qu’on ne lui demande pas d’être éloquent selon les règles de l’art, et, sur ce chapitre, de rivaliser avec les autres (198 c-199 b ; cf. 212 bc). Ainsi l’idée funeste de compétition, idée essentiellement sophistique, est écartée : on avait convenu que chacun prononcerait à son tour le plus bel éloge qu’il pourrait (177 d ; cf. 214 c) ; Socrate, lui, fera l’éloge le plus vrai dont il sera capable. Il