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LE BANQUET

parle le Socrate du Phédon, d’où provient tout ce qui précède (89 c sqq., surtout 90 b-d, 91 a ; cf. 101 e). Or, dans ce dialogue la position du morceau ressemble beaucoup à celle qu’occupe dans le Banquet le morceau que nous étudions. Il fait suite en effet au développement par Simmias et par Cébès de leurs thèses personnelles sur l’immortalité (cf. ce que dit Simmias de la sienne, 92 cd), et il précède la discussion qu’en fera Socrate. On comprend mieux ainsi quelle est ici la signification profonde de ce passage de transition : il a pour objet, moins de critiquer une certaine conception de l’éloge, que de critiquer une attitude de l’esprit. Supposons en effet qu’au lieu d’un éloge de l’Amour le programme du banquet eût comporté un réquisitoire contre l’Amour, et le plus sévère qui se puisse ; avec la même insouciance à l’égard du vrai, ces mêmes hommes auraient aussi bien chargé l’Amour de tous les crimes ; quant à l’auditeur, selon le succès de ses propres amours, il aurait tour à tour jugé vraie ou fausse l’une et l’autre thèse. Comment de là ne naîtrait-il pas un scepticisme désabusé ? Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut parler, ni penser.


Deuxième partie
(199 b-212 c).

En conséquence, avant de discourir à son tour, Socrate a besoin de savoir si, sur certains points, il s’entend bien avec ceux qui vont l’écouter, mais principalement avec Agathon, le dernier qui ait parlé, l’orateur le plus brillant, l’hôte enfin à qui il convient de faire honneur. — Pourquoi cette entente est-elle nécessaire ? Justement pour éviter que la thèse, objet de l’examen, ne soit une imagination arbitraire et proprement individuelle. C’est ce qu’indique le Phédon avec une parfaite clarté (101 de ; cf. les renvois, ici p. 47, n. 2) : la méthode dialectique consiste à éprouver une thèse par l’accord ou le désaccord mutuels des conséquences qu’on en tire, et en vue de la rattacher à une autre plus générale qui sera soumise à la même épreuve, jusqu’à ce qu’enfin on arrive à un principe indépendant, mais duquel dépend tout le reste ; de la sorte on évite de brouiller les conséquences avec ce dont elles sont les conséquences. Il est donc indispensable de déterminer très exactement, tout d’abord, les termes de la question, de savoir si, chez les deux interlocu-