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NOTICE

Crantor[1]. Mais il existait déjà en germe dès les temps les plus anciens, et poètes ou prosateurs développaient fréquemment les motifs propres à calmer les douleurs. Douleurs de la pauvreté ou de l’exil, rigueurs de l’esclavage, disgrâces de la vie ou de l’honneur… tels étaient les thèmes habituels sur lesquels les rhéteurs aimaient à broder[2]. Pas un pourtant ne fut peut-être plus populaire que celui de la mort. Lucien raille la coutume de convoquer, à l’occasion d’un deuil, les fabricants de lamentations qui se font un devoir de rappeler les calamités anciennes[3]. Cette coutume existait déjà au temps d’Homère, et le poète dépeint, aux funérailles d’Hector, les aèdes mêlant leurs thrènes aux gémissements des femmes[4]. C’est au thrène qu’il faut sans doute rattacher l’ἐπιτάφιος, éloge funèbre qui tient à la fois de la louange et de la consolation, ainsi que le définit Platon dans le Ménéxène (236 e). Les rhéteurs et les sophistes de l’âge classique cultivaient volontiers ce genre, et l’exercice du Ménéxène semble bien être une fine parodie de cette mode littéraire. Platon cite les noms d’Archinos et de Dion, qui devaient être des professionnels de l’éloge funèbre. Nous savons aussi que Gorgias composa un ἐπιτάφιος dont quelques extraits sont parvenus jusqu’à nous[5]. Nous possédons encore l’Évagoras d’Isocrate, oraison funèbre d’un roi de Cypre qui avait lutté courageusement contre les Perses.

D’autres écrits étaient plus directement des traités de consolations, par exemple, ces dialogues, dissertations, lettres, que l’on trouve dans presque toutes les écoles et qui, sous des titres différents, visent au même but. Ainsi le περὶ τῶν ἐν Ἅιδου de Démocrite paraît avoir voulu démontrer combien est vaine la crainte de la mort. Des rhéteurs, comme Alcidamas, se complaisaient à énumérer les misères humaines pour apprendre à se détacher de la vie[6]. On peut ranger encore dans cette catégorie des dialogues philosophiques comme le

  1. Cf. Buresch, Consolationum a Graecis Romanisque scriptarum historia critica, in Stud. zur Classischen Philologie, Leipzig, 1886, p. 4.
  2. Cicéron, Tusculanes III, 34, 81.
  3. Lucien, De Luctu, XX.
  4. Iliade, XXIV, 720 et suiv.
  5. Cf. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker, II, 76 B, 5a et 6.
  6. Cicéron, Tusculanes, I, 116.