Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/153

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homme est si dissolu, qu’à ses occupations ne se mêle quelque apparence de solidité ? c’est le loisir qui nous décèle. Et n’a-t-on pas vu la plupart des princes employer ce temps de repos aux jeux de hasard, aux voluptés impures, à la débauche, remplissant par l’activité des vices les moments de relâche que donnent les affaires ?

LXXXIII- Le propre des grandes fortunes est qu’elles ne laissent rien de caché, rien d’impénétrable aux regards : mais celle des princes n’ouvre pas seulement leurs maisons, elle éclaire jusqu’à la chambre où ils reposent, jusqu’à leur plus secret asile ; et elle en offre, elle en étale les mystères à la curiosité publique. Pour vous, César, votre gloire a tout à gagner à ce qu’on voie le fond de votre vie. Rien de plus beau que vos actes extérieurs ; mais ce qui ne franchit pas le seuil de votre palais est admirable aussi. Il est glorieux de vous défendre et de vous préserver de la contagion du vice, plus glorieux d’en garantir les vôtres. Car s’il est plus difficile de répondre d’autrui que de soi-même, comment vous louer assez de ce que, étant très bon, vous rendez semblable à vous tout ce qui vous environne ? D’éminents personnages ont vu leur nom terni, à cause d’une femme trop légèrement choisie ou trop patiemment gardée : leur honte domestique ruinait l’ouvrage public de leur réputation ; et ils auraient passé pour de très grands citoyens, s’ils n’avaient pas été de trop faibles maris. Votre épouse est pour vous un ornement et une gloire de plus. Quelle vertu plus antique et plus sainte que la sienne ? N’est-il pas vrai que si le grand pontife avait à se choisir une compagne, c’est elle qu’il préférerait, elle ou une pareille ? Mais où pourrait-il en trouver une pareille ? Quelle attention à ne vouloir d’autre part en votre fortune que la joie qu’elle en ressent ! quel respect inviolable, non pour votre puissance, mais pour votre personne ! Vous êtes l’un envers l’autre ce que vous fûtes toujours : votre estime réciproque reste la même ; et vous ne devez qu’une chose à vos grandeurs nouvelles, c’est de savoir combien chacun de vous deux est au-dessus des grandeurs. Comme elle est simple dans sa parure, modeste dans son train, sans fierté dans sa démarche ! C’est l’ouvrage de son époux, qui l’a ainsi formée, ainsi habituée ; car la gloire de la déférence suffit à une épouse. Lorsqu’elle voit combien peu la terreur et le faste accompa-