Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/25

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ciel, vous accueillit comme un prince déjà reconnu. La foule était rassemblée sur le parvis du temple ; et quand les portes s’ouvrirent devant vos pas, « Salut à l’empereur ! » s’écria-t-elle tout entière, croyant s’adresser au dieu : l’événement a prouvé qu’elle s’adressait à vous. C’est ainsi que tout le monde entendit ce présage ; vous seul ne le vouliez pas comprendre. Vous refusiez l’empire ; vous le refusiez, et par là même vous en étiez digne. Il a donc fallu que vous fussiez contraint ; or, vous ne pouviez l’être que par la vue de la patrie en danger et de la république chancelante. Vous étiez résolu à n’accepter l’empire que pour le sauver. Aussi l’esprit de vertige qui a remué si violemment le camp n’y fut-il envoyé, je pense, que, parce qu’il fallait une grande force et une grande terreur pour triompher de votre modestie. Et si le calme de la mer et du ciel est embelli par le contraste des ouragans et des tempêtes, ne serait-ce pas aussi pour ajouter aux charmes de la paix qui règne par vous, qu’une si terrible agitation l’a précédée ? Tel est le cercle où roulent les choses humaines : les prospérités naissent des disgrâces, et les disgrâces des prospérités. Dieu nous dérobe la source des unes et des autres, et souvent les causes des biens et des maux sont cachées sous l’apparence de leurs contraires.

VI. Un grand scandale a, j’en conviens, déshonoré le siècle ; une grande plaie a frappé l’Etat : l’empereur et le père du genre humain assiégé, captif, emprisonné ! le plus clément des vieillards privé du pouvoir de sauver des hommes ! un prince dépouillé du plus beau privilège de son rang, je veux dire que sa volonté ne puisse être forcée ! Toutefois, si la fortune n’avait que ce moyen de vous placer au gouvernail de la république, j’oserais presque m’écrier que nous fûmes trop heureux. La discipline des camps a été corrompue, afin que vous la fissiez renaître et refleurir ; un pernicieux exemple a été donné, afin que vous pussiez y opposer un exemple admirable ; un prince a été contraint de faire mourir des hommes contre sa volonté, afin qu’il nous donnât un prince invincible à la contrainte. Dès longtemps vous méritiez une auguste adoption ; mais nous n’aurions pas su combien vous devait l’empire, si cette adoption était venue plus tôt. Une époque a été choisie, où il fut évident que vous receviez moins encore que vous ne donniez. La république s’est réfugiée dans vos bras : l’empire s’écroulait