Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/29

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dire, de l’héritier nécessaire : empereur, vous devez un prince à des citoyens. Ce serait orgueil et tyrannie de ne pas adopter celui que la voix publique élèverait à l’empire, quand même on ne l’adopterait pas. C’est cette règle que suivit Nerva : il ne voyait aucune différence de la naissance à l’adoption, si l’une n’était pas plus éclairée par le jugement que l’autre ; si ce n’est toutefois que les peuples supportent plus facilement les chances malheureuses de la nature, que les mauvais choix du prince.

VIII. Il a donc évité soigneusement cet écueil, et il a pris conseil, non des hommes seulement, mais des dieux. Aussi n’est-ce pas dans le fond du palais, mais dans un temple ; devant la couche impériale, mais devant le coussin sacré de Jupiter très-bon et très-grand, que s’est consommée une adoption qui ne fondait pas non plus notre esclavage, mais notre liberté, notre bonheur, notre sécurité. Les dieux se sont réservé la gloire de cet acte ; cette œuvre fut la leur, c’est leur volonté qui s’accomplit ; Nerva n’en fut que le ministre : en vous adoptant, il obéit, comme vous qui étiez adopté. Des lauriers arrivaient de Pannonie, par une attention du ciel qui voulait que le symbole de la victoire décorât l’avénement d’un empereur invincible. Empereur lui-même, Nerva venait de les déposer sur les genoux de Jupiter, lorsque tout à coup, plus auguste encore et plus majestueux que de coutume, appelant autour de lui l’assemblée des hommes et des dieux, il vous déclare son fils, c’est-à-dire l’unique soutien de sa fortune ébranlée. Alors, comme s’il eût déposé l’empire (car le déposer et le partager sont choses peu différentes, si ce n’est que la dernière est la plus difficile), alors on le vit, plein d’assurance et rayonnant de gloire, appuyé sur vous comme si vous aviez été présent, reposant sur vos épaules secourables ses destins et ceux de la patrie, rajeunir de votre jeunesse et se fortifier de votre vigueur. Aussitôt s’apaisa toute la fureur de la tempête. Ce ne fut pas l’ouvrage de l’adoption, mais de celui qui en était l’objet : la résolution de Nerva eût été vaine, s’il eût fait choix d’un autre fils. Avons-nous oublié comment naguère, après une adoption, la révolte éclata, au lieu de se calmer ? Celle-ci n’eût été qu’un aiguillon de colère et un flambeau de discorde, si elle fût tombée sur un autre que vous. Comment un prince dont le pouvoir n’était plus respecté aurait-il pu donner l’empire, si le nom du donataire n’eût consacré ce grand acte ? Déclaré tout ensemble