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TROISIÈME ENNÉADE.


elles y sommeillent sans être y aperçues. La raison[1] ne doit donc pas rester étrangère à l’âme qui apprend, mais lui être unie, lui devenir propre. Donc, quand l’âme s’est approprié une raison et s’est familiarisée avec elle, elle la tire en quelque sorte de son sein pour l’examiner. Elle remarque ainsi la chose qu’elle possédait [sans le savoir], s’en distingue en l’examinant, et, par la conception qu’elle s’en forme, la considère comme une chose étrangère à elle-même : car, quoique l’âme soit elle-même une raison et une espèce d’intelligence, cependant, quand elle considère une chose, elle la considère comme distincte d’elle-même, parce qu’elle ne possède pas la plénitude véritable et qu’elle est défectueuse à l’égard de son principe [qui est l’intelligence]. Elle considère d’ailleurs avec calme ce qu’elle tire d’elle même : car elle ne tire pas d’elle-même ce dont elle n’avait pas déjà quelque notion. Si d’ailleurs elle tire quelque chose de son sein, c’est qu’elle en avait une vue incomplète et qu’elle veut le connaître. Dans ses actes [tels que la sensation], elle adapte aux objets extérieurs les raisons qu’elle possède[2]. D’un côté, comme elle possède [les intelligibles] mieux que la nature, elle est aussi plus calme et en même temps plus contemplative ; d’un autre côté, comme elle ne possède pas parfaitement [les intelligibles], elle désire plus que l’intelligence] avoir de l’objet qu’elle contemple cette connaissance et cette contemplation qu’on acquiert d’un objet en l’examinant. Après s’être écartée de sa partie supérieure et avoir parcouru [par la raison discursive] la série des différences, elle revient à elle-même, et se livre de nouveau à la contemplation par sa partie supérieure l’intelligence], dont elle s’était écartée [pour considérer les différences] : car cette partie ne s’occupe pas des différences, parce qu’elle demeure en elle-même. Aussi l’esprit sage est-

  1. La raison est ici l’essence de l’objet connu. Voy. t. I, p. 240, note 2.
  2. Voy. Enn. IV, liv. VI, § 3.