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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


celles qui sont plus prochainement et plus intimement unies à la Divinité. Supposons un grand nombre de cercles concentriques mus les uns dans les autres : le plus petit, étant le plus proche du centre commun, devient à l’égard des autres une espèce de centre autour duquel ils tournent ; le plus éloigné, au contraire, est celui dont le diamètre a le plus d’étendue, et l’espace qu’il embrasse devient plus grand à proportion qu’il s’éloigne davantage du point central ; ainsi, pendant qu’il est dans la plus grande agitation, ce qui touche de plus près au centre commun n’en éprouve aucune[1]. De même, ce qui est plus éloigné de l’Intelligence suprême, est plus sujet aux lois du Destin, ce qui en est plus proche en dépend moins, et ce qui est uni invariablement à l’Intelligence suprême en est tout à fait exempt[2]. L’ordre muable du Destin n’est donc, par rapport à la Providence simple et immuable, que ce que ce qui devient est à ce qui est, le raisonnement à l’intelligence, la circonférence du cercle à l’indivisibilité du centre[3], et le temps l’éternité[4]. C’est cet ordre du Destin qui donne le mouvement aux astres, qui combine les éléments et les change continuellement les uns dans les autres. C’est par ses lois que la génération remplace sans cesse les êtres qui périssent par d’autres qui leur succèdent[5] ; ce sont elles qui règlent les actions et le sort des hommes par un enchaînement aussi invariable que la Providence qui en est le premier principe[6]. Tel est en effet l’ordre admirable qui régit tout : la pensée souverainement simple de l’Intelligence divine produit l’enchaînement inflexible des causes ; et cet ordre règle par sa propre immutabilité les choses muables qui sans cela seraient abandonnées au caprice du hasard. Il est vrai que les hommes ne pouvant apercevoir cet ordre admirable s’imaginent que tout ici-bas est dans une confusion universelle ; mais il n’en est pas moins certain que, par la direction de la Providence, il n’est point d’être qui de soi ne tende au bien[7]. En effet, comme je l’ai déjà suffisamment démontré,

  1. Cette comparaison est souvent employée par Plotin. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 16, p. 354.
  2. Ce principe revient souvent dans les Ennéades : « Quand l’âme suit son guide propre, la raison pure, la détermination qu’elle prend est vraiment volontaire, libre, indépendante… hors de là, elle est entravée dans ses actes, elle est plutôt passive qu’active, elle obéit au Destin.  » (Enn. III, liv. I, § 9, 10, p. 17-18.) Voy. aussi les Éclaircissements du tome I, p. 471-472.
  3. Voy. la même comparaison dans l’Enn. III, liv. VIII, § 7, p. 225.)
  4. Voy. Enn. III, liv. VII, § 10 ; p. 199, note 1.
  5. Voy. Enn. III, liv. II, § 2, p. 24.
  6. Ibid., § 17, p 64, 68.
  7. Voy. le discours que Plotin fait tenir au monde, ibid., § 3, p. 27-29.