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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/132

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LIVRE QUATRIÈME.


moins de la raison discursive[1] : car, tout en admettant que les choses perçues par les sens existent dans les objets sensibles, on n’en reconnaît pas moins que ce qui est perçu par la sensation n’est qu’une représentation de l’objet extérieur et que la sensation n’atteint pas cet objet même, puisqu’il reste en dehors d’elle[2]. Mais, quand l’intelligence connaît, et qu’elle connaît les intelligibles, comment les rencontre-t-elle, si elle les connaît comme existant hors d’elle-même ? Ne peut-il arriver qu’elle ne les rencontre pas, par conséquent, qu’elle ne les connaisse pas ? Si c’est par hasard qu’elle les rencontre, la connaissance qu’elle en aura sera accidentelle et passagère. Dira-t-on que la connaissance s’opère par l’union de l’intelligible avec l’intelligence ? Alors quel sera le lien qui les unit ? Dans cette hypothèse, les connaissances que l’intelligence aura de l’intelligible seront des empreintes (τύποι (tupoi))[3] de la réalité, et, par conséquent, ce seront des impressions accidentelles. Comment de pareilles empreintes pourront-elles exister dans l’intelligence ? Quelle forme auront-elles ? Enfin, comme elles resteront extérieures à l’intelligence, leur connaissance ne ressemblera-t-elle pas à la sensation ? En quoi en différera-t-elle ? Sera-ce en ce que l’intelligence percevra des objets plus ténus ? Comment saura-t-elle qu’elle les perçoit réellement ? Comment saura-t-elle qu’une chose est bonne, juste, belle ? Le juste, le bien, le beau lui seront extérieurs et étrangers : elle n’aura pas en elle-même les principes qui pourraient régler ses jugements et mériter sa confiance ; ils seront hors d’elle ainsi que la vérité.

D’un autre côté, ou les intelligibles sont privés de sentiment, de vie et d’intelligence, ou ils sont intelligents.

  1. Voy. Enn. III, liv. VI, § 1 ; t. II, p. 123.
  2. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxiii, dans notre t. I, p. lxxiii.
  3. Voy. Enn. III, liv. VI, § 1 ; t. II, p. 124.