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CINQUIÈME ENNÉADE.


particuliers, sont au nombre des choses qui se trouvent dans le monde intelligible, où le temps est remplacé par l’éternité[1] et l’espace par la propriété qu’ont les intelligibles d’être les uns dans les autres. Comme dans le monde intelligible toutes choses sont ensemble, quelle que soit celle que vous preniez, elle est essence, nature intellectuelle et vivante ; elle est identité et différence, mouvement et repos[2] ; elle est ce qui se meut et ce qui est en repos, elle est essence et qualité, elle est tout en un mot. Là, chaque essence est en acte au lieu d’être seulement en puissance ; par conséquent elle n’est pas séparée de la qualité.

Mais n’y a-t-il dans le monde intelligible que ce qui est contenu dans le monde sensible, ou bien y a-t-il encore autre chose ? — Considérons les arts sous ce rapport. D’abord, il n’y a dans le monde intelligible aucune imperfection. S’il y a du mal ici-bas, il provient du manque, de la privation, du défaut ; il est un état de la matière ou de toute chose semblable à la matière qui n’a pas bien reçu la forme[3].

XI. Considérons donc les arts et leurs productions. On ne peut rapporter au monde intelligible, si ce n’est comme impliqués dans la raison humaine, les arts d’imitation tels que la peinture, la sculpture, la danse, l’art mimique, parce qu’ils prennent naissance ici-bas, qu’ils se proposent pour modèles des objets sensibles, qu’ils en représentent les figu-

    dicatio vero, quæ fortuna site casu fit, est noxa formæ. » Cette conjecture ne nous paraît point nécessaire pour expliquer la phrase qui offre un sens très-satisfaisant et tout à fait conforme à la doctrine de Plotin. Voy. notamment Enn. II, liv. III, §16 ; t. II, p. 170.

  1. Voy. Enn. III, liv. VII, § 10 ; t. II, p. 196-199.
  2. Voy. Enn. II, liv. VII, § 2 ; t. II, p. 174.
  3. Voy. Enn. I, liv. VI, § 2 ; t. I, p. 102. Ce passage de Plotin est cité par Syrianus, Commentaire sur la Métaphysique d’Aristote, fol. 29, b. Voy. les Éclaircissements à la fin de notre volume.