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LA VICTOIRE

Il ne pense pas que le gouvernement puisse quitter la ville ni que les Chambres s’y prêtent. Il conclut à la nécessité de défendre Paris coûte que coûte, en sacrifiant au besoin des parties du front pour le raccourcir.

Painlevé m’exprime le même avis.

Aucune nouvelle de Clemenceau, aucun renseignement sur le Comité de Versailles.

Albert Thomas, qui revient du front, me confie qu’il n’est qu’à demi rassuré ; il croit qu’on va se stabiliser, mais la question des effectifs le préoccupe.

Ce matin, à la Commission de la Chambre où il est allé, Clemenceau, ajoute Thomas, n’a pas fait mauvaise impression, mais il s’est tenu dans trop de généralités ou bien il a considéré comme certains des concours aléatoires comme celui des Tchèques de Silésie. Thomas croit qu’il faut défendre Paris à tout prix.

Bref, tous les renseignements que je recueille sont défavorables à l’idée de Clemenceau de quitter Paris pour continuer la guerre.


Mardi 4 juin.

Magny, sénateur, qui a rencontré Briand, me rapporte ce mot de celui-ci : « Ah ! si l’on m’avait écouté ! Si l’on avait fait la paix, lorsque nous étions vainqueurs ! »

Métin, qui vient de la Chambre, prétend que les explications de Clemenceau y ont été décousues et médiocres. En outre, le président du Conseil a repoussé un peu brutalement une motion de Lenoir, député de Reims, qui demandait que la date des interpellations fût discutée à quinzaine. Clemenceau a obtenu 377 voix contre 110. Il aurait pu, me dit Métin, avoir la presque unanimité, s’il s’y était mieux pris. Métin, qui parle anglais, voudrait être attaché comme officier à une division américaine combattante.