Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
L’OFFENSIVE EST DÉCLENCHÉE

de Ville pour la réception des ambassadeurs et des ministres alliés.


Lundi 15 juillet.

Hier, dans la soirée, Clemenceau m’a communiqué une lettre de Lloyd George et une d’Orlando, qui, je l’ai deviné sans peine, l’ont irrité. Il me confie ce matin son mécontentement et ajoute : « Je compte bien tenir ferme des deux côtés. »

Comité de guerre. — Claveille donne des explications intéressantes sur l’engorgement des ports et des chemins de fer par suite des arrivages américains.

À deux heures, je me trouvais aujourd’hui avec ma femme, lorsque nous entendons une explosion assez rapprochée. Je me renseigne. Un obus de canon à longue portée est tombé rue Dupleix. Il y a des victimes.

Je me rends au point de chute avec le général Duparge. Un pauvre hôtel meublé est entièrement écrasé. La propriétaire sort des décombres. Le mari a été tué devant l’immeuble au moment où il allait monter en auto. La fille est blessée. Un locataire est tué ; son cadavre, que je vais voir à l’hôpital Necker, est tout déchiqueté et affreux. Près de la maison détruite, deux cinémas sont remplis d’Américains comme si rien ne s’était passé.

Pendant ce temps, l’offensive a été déclenchée sur un front de soixante-dix kilomètres, à l’est de Château-Thierry. Les premières nouvelles ne sont pas très satisfaisantes. Nous avons cédé beaucoup de terrain. Mais à cinq heures, le commandant Challe arrive rayonnant. « Pétain, me dit-il, est très satisfait. Il ne compte pas, cette fois, jeter de la poussière de forces pour arrêter l’ennemi ; il préfère le laisser avancer un peu pour l’endiguer ensuite et manœuvrer. »