Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/100

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de la France les générations nouvelles. Qui sait si, au lendemain de la guerre, un plébiscite ne serait pas faussé par l’action de ces étrangers ? S’il y a un risque de ce genre, remarque Jules Guesde, mieux vaut, en effet, renoncer au plébiscite. L’Alsace nous a été enlevée contre la volonté solennellement exprimée de ses habitants. Un droit imprescriptible de la France a donc été violé. Maintenant qu’on nous a déclaré la guerre, nous sommes libres d’obtenir justice. — Alors, nous sommes entièrement d’accord. Personnellement, je souhaite que nous recouvrions nos provinces perdues et je ne crois pas que nous puissions déposer les armes avant d’y avoir réussi. Mais je suis d’avis que nous n’annexions, en surcroît, aucune terre européenne. Donnons au monde l’exemple d’une grande démocratie qui ne combat que pour son indépendance et pour son droit. » Et nous nous séparons avec le sentiment d’être désormais unis jusqu’à la mort.

Je reçois également Maurice Barrès. Heureux éclectisme des conversations et des confidences ! Mon illustre compatriote, lui aussi, va partir pour le front comme correspondant de grands journaux. Il désire obtenir des facilités particulières pour pouvoir se rendre même sur les points les plus exposés. Je lui promets d’autant plus volontiers d’intervenir en sa faveur que son patriotisme et son prestigieux talent sont tous deux caution des nobles articles qu’il écrira. Ceux qu’il a donnés ces jours-ci à l’Écho de Paris sont aussi vibrants que les chroniques d’Albert de Mun. Avec quelle émotion n’a-t-il pas parlé du Secours national, de la Croix-Rouge, de la Légion alsacienne, de la bataille d’Altkirch ! Je connais mieux que personne