Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/101

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la vive sensibilité qu’il cache sous son air froid et un peu dédaigneux. Aujourd’hui, il n’essaie même plus de la masquer ; il voit déjà Ehrmann au service de la France et Colette Baudoche mariée à un Parisien.

Mais voici que M. Sabini revient à l’Élysée, sur le conseil que lui a, me dit-il, donné M. Georges Clemenceau. Il m’affirme, à son tour, que M. Tittoni est définitivement acquis à l’idée d’une rupture prochaine entre l’Italie et l’Autriche. Il me montre un rapport qu’il a lui-même l’intention d’envoyer à Rome et dans lequel il se déclare autorisé à annoncer qu’en cas d’action commune, l’Italie trouverait en France les premiers fonds nécessaires et qu’indépendamment d’avantages territoriaux, elle obtiendrait un traité de commerce : « Autorisé par qui ? lui demandé-je ? — Mais par vous, j’espère, monsieur le président. — Cher monsieur, je dois vous faire remarquer que je n’ai pas constitutionnellement le droit de vous garantir ces divers avantages. J’ajoute que le gouvernement lui-même ne peut promettre un traité de commerce sans l’assentiment des Chambres. Veuillez donc saisir le ministre des Affaires étrangères ou plutôt prier M. Tittoni de le saisir. Car M. Doumergue ne voudra certainement rien négocier en dehors de l’ambassadeur. »

Ainsi, M. Salandra professe qu’il ne faut rien précipiter ; M. Tittoni ne sort pas de la coulisse, et M. Sabini continue à s’agiter, sans que nous sachions s’il est, oui ou non, l’interprète officieux de son chef. Je ne me défends pas de trouver, à la longue, un peu agaçant ce génie de la combinazione.

La bonne figure colorée de sir Francis Bertie se