Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/221

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livrée autour de Guise, pour dégager notre aile gauche. Nous avons victorieusement résisté à la pression du Xe corps et de la garde impériale. Mais, plus à l’ouest, nous avons été moins heureux et des forces allemandes se sont glissées dans la direction de La Fère. M. Touron ne se trompait donc pas tout à fait dans les renseignements qu’il m’apportait hier avec tant d’émotion. Une partie de la 1re armée allemande a atteint par ses éléments de droite Chaulnes, Lihon et Rozières-en-Santerre.

En me commentant ce matin les derniers événements militaires, l’officier de liaison du G. Q. G. ne dissimule pas que la situation devient grave. Viviani me dit qu’il est resté tard dans la nuit au ministère de la Guerre et que Millerand a téléphoné au général Joffre. Le commandant en chef n’est plus sûr de pouvoir empêcher les Allemands d’entrer à Paris, surtout si le gouvernement y demeure. Il est d’avis que nous devons nous éloigner pour ne pas attirer nous-mêmes l’ennemi sur la capitale. C’est assez dire que la bataille de Guise n’a point donné ce qu’on en attendait. Je n’en proteste pas moins auprès de Viviani contre l’idée d’un départ. Lui aussi, il préférerait de beaucoup rester. Mais le mot de Joffre le laisse très perplexe. Il m’annonce que les présidents des deux Chambres ont demandé à le voir. Que veulent-ils ? Et que se passerait-il au Parlement, s’il siégeait aujourd’hui ?

M. Messimy, qui a revêtu l’uniforme de commandant de chasseurs à pied et qui va bravement rejoindre son bataillon, vient me faire ses adieux. Je lui donne l’accolade et lui exprime tous mes vœux. Il me laisse une sorte de testament, écrit,