Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/222

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signé et daté de sa main et qui, entre autres recommandations, contient ces deux lignes : « 30 août 1914. Avant tout, ne pas tenter de s’enfermer dans Paris. Détruire, en reculant, tous les ouvrages d’art, même sur route. » Par ne pas s’enfermer dans Paris, il entend, me dit-il, ne pas y laisser investir la garnison elle-même. Il croit impossible de défendre Paris comme ville forte, même avec les trois corps d’armée qu’il a demandés. Il juge de beaucoup préférable de livrer, hors des murs, avec des retranchements de campagne, une ou plusieurs grandes batailles, sans s’immobiliser dans la place. Je lui réponds que ni le gouvernement, ni moi, nous ne pouvons, dans une question essentiellement militaire, substituer notre autorité à celle du commandement. Il me supplie – à genoux, me dit-il – de faire connaître son avis au ministre de la Guerre. J’envoie donc sa note manuscrite à Millerand, qui pourra, au besoin, la communiquer à Joffre et à Gallieni.

Le général en chef est surtout préoccupé, en ce moment, de la conduite que se réserve de tenir le maréchal French. Les Anglais consentiront-ils à interrompre leur retraite pour se battre de nouveau sans prendre le temps de se refaire ? Ils se replient, parait-il, sur Meaux, d’où ils voudraient gagner la basse Seine, pour se rapprocher de leurs bases maritimes. Ils tourneraient Paris par le sud pour aller se reconstituer dans la région de Rouen. Joffre est inquiet de ce projet et voudrait que French y renonçât.

Gallieni vient à mon cabinet, avant le Conseil des ministres, et en présence de Viviani et de Millerand, il m’expose sa pensée, avec une lucidité, une force d’expression, une maîtrise, qui nous font