Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à tous trois une profonde impression. Souple, élancé, de grande taille, la tête haute, les yeux perçants abrités sous des verres immuables, il s’impose, à ceux qui l’approchent, comme un très bel exemplaire de puissance humaine. Il n’a encore que soixante-cinq ans et quelques mois. Il a été malheureusement assez éprouvé par des séjours prolongés aux colonies et notamment par les neuf années, si fécondes pour la France, qu’il a passées à Madagascar. Il trouve que la défense de Paris n’est pas suffisamment assurée, que les forts ne sont pas en état, que le camp retranché n’est pas assez solidement organisé et qu’il faudrait au moins huit ou dix jours pour regagner le temps perdu par le général Michel. Mais, ajoute-t-il, alors même que toutes les lacunes seraient comblées, Paris ne saurait résister à un coup de main, appuyé par l’artillerie lourde dont disposent les Allemands. Il faudrait donc constituer, avec quatre corps d’armée ou, au minimum, avec les trois dont a parlé l’ordre de Messimy, une armée mobile qui serait placée sous le commandement du gouverneur, qui formerait l’aile gauche de toutes les autres et qui, le moment venu, se battrait devant Paris.

Nous invitons le général Gallieni à faire part de ses vues au Conseil des ministres. Il y est entendu à la séance du matin. Il y recommence avec la même clarté son exposé et insiste sur les mêmes conclusions. À la demande de Millerand, il fournit même un rapport écrit, fort peu rassurant, qui est immédiatement signalé à l’attention du général en chef, l’envoi des corps réclamés dépendant, avant tout, de possibilités matérielles que Joffre est seul en mesure d’apprécier.