Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/236

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bunaux, ce journaliste qui prostitue sa plume pour de l’argent ? cet avocat, ce prêtre, qui vendent à l’iniquité, l’un sa parole, l’autre ses prières ? ce médecin qui laisse périr le pauvre, si le pauvre ne dépose à l’avance l’honoraire exigé ? ce vieux satyre qui frustre ses enfants pour une courtisane ? Puis-je empêcher une licitation qui abolira la mémoire de mes pères, et rendra leur postérité sans aïeux, comme si elle était de souche incestueuse ou adultérine ? Puis-je contraindre le propriétaire, sans le dédommager au delà de ce qu’il possède, c’est-à-dire sans ruiner la société, de se prêter aux besoins de la société ?…

La propriété, dites-vous, est innocente du crime du propriétaire ; la propriété est en soi bonne et utile : ce sont nos passions et nos vices qui la dépravent.

Ainsi, pour sauver la propriété, vous la distinguez de la morale ! Pourquoi ne pas la distinguer tout de suite de la société ? C’est tout à fait le raisonnement des économistes. L’économie politique, dit M. Rossi, est en soi bonne et utile ; mais elle n’est pas la morale ; elle procède abstraction faite de toute moralité ; c’est à nous à ne pas abuser de ses théories, à profiler de ses enseignements, selon les lois supérieures de la morale. Comme s’il disait : L’économie politique, l’économie de la société n’est pas la société ; l’économie de la société procède abstraction faite de toute société ; c’est à nous à ne pas abuser de ses théories, à profiter de ses enseignements, selon les lois supérieures de la société ! Quel chaos !

Je soutiens non-seulement avec les économistes que la propriété n’est ni la morale ni la société ; mais encore qu’elle est par son principe directement contraire à la morale et à la société, de même que l’économie politique est antisociale, parce que ses théories sont diamétralement opposées à l’intérêt social.

D’après la définition, la propriété est le droit d’user et d’abuser, c’est-à-dire le domaine absolu, irresponsable, de l’homme sur sa personne et sur ses biens. Si la propriété cessait d’être le droit d’abuser, elle cesserait d’être la propriété. J’ai pris mes exemples dans la catégorie des actes abusifs permis au propriétaire : que s’y passe-t-il qui ne soit d’une légalité, d’une propriété irréprochable ? Le propriétaire n’a-t-il pas le droit de donner son bien à qui bon lui semble, de laisser brûler son voisin sans crier à l’incendie, de faire opposition au bien public, de gaspiller son patri-