Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/186

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avec un habit à la mode, une grande fraise et deux petits laquais, au lieu d’un grand, parce qu’on était alors monté sur ce ton-là. Ils m’y encouragèrent, en me faisant envisager qu’avec un peu de faste j’annoncerais de l’opulence et qu’au moyen de cela je pourrais trouver à faire un bon mariage, ce qui arrivait souvent à Madrid. Ils me promirent même de m’introduire dans un endroit convenable et ils me recommandèrent de me tenir prêt à les seconder au moindre événement. Comme j’étais un fourbe et que je désirais fort d’attraper une femme, ils n’eurent pas de peine à me décider.

Je courus je ne sais combien de ventes publiques et j’achetai tout l’ajustement pour me marier. Informé d’un endroit où on louait des chevaux, je m’en procurai un, mais je ne trouvai point de laquais. Le premier jour, je sortis perché sur mon cheval et étant allé dans la grand’rue, je m’arrêtai devant la boutique d’un marchand de bijoux, où je feignis de marchander quelque chose. Dans le même temps vinrent deux gentilshommes, chacun sur son cheval. Ils me demandèrent si je marchandais un bijou d’argent que j’avais à la main. Je remis le bijou à sa place et je les retins un instant par mille politesses que je leur fis. Enfin ils me demandèrent si je voulais aller à la promenade du Cours m’amuser et je leur répondis que j’aurais l’honneur de les y accompagner, supposé qu’ils le trouvassent bon. Je recommandai au marchand, si mes pages et un laquais venaient à sa boutique, de les envoyer au Cours et