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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/94

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DU MANGEUR D’OPIUM


guère propres à en faire jouir, à faire trouver du plaisir, de l’entrain. Je ne veux point payer d’ingratitude Sa Majesté, ou abuser de mes privilèges d’invité pour chercher dans mes souvenirs de ce qui se passait alors, des matériaux pour une critique maligne. On fit, je n’en doute point, tout ce que permettait l’étiquette de la cour, pour faire fondre cette glaciale contrainte qui donnait à toutes choses un air trop cérémonieux, trop officiel, et à chacun des acteurs de la scène la physionomie d’une personne qui s’acquitte d’une besogne, et même aux plus jeunes des personnages présents une expression de malaise, une évidente raideur de manières, raideur qui, je le suppose, n’était point due à la crainte d’autrui, mais seulement à celle de commettre des bévues, des fautes. En fait, un grand personnage qui a un caractère officiel ne peut pas être traité avec la liberté parfaite que comportent les relations sociales, et il ne doit pas l’être. Ce n’est pas seulement de rang qu’il s’agit ici, car ce rang lui appartenant en propre, il pourrait y renoncer pour une heure ou deux, mais il a aussi le caractère d’un personnage représentatif. Il a à faire respecter non seulement son rang, mais aussi celui d’autres personnes. Il donne un corps, une personnalité à la majesté d’un grand peuple, et cette situation, vous ne pouvez ni ne devez jamais l’écarter de votre pensée, alors même que vous seriez très encouragé à le faire. Outre cela, il faut reconnaître que la vue de frères dansant avec leurs sœurs, comme cela arrivait trop souvent quand les Princesses prenaient part aux danses, ôtait à ces danses tout l’intérêt qui leur est propre, car cela ne se conciliait guère avec le sens significatif de la danse en général. Il en résulta un