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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Un petit mariage l’attendait, avec peu de biens à administrer et force soins domestiques. Elle n’aurait pour dot que sa part de Bas-le-Pré dont le revenu était mince et qu’il fallait partager avec sa tante Armande et dont ne s’accommoderait guère qu’un époux de médiocre état.

Aussi Mme de Galandot trouvait-elle utile d’enseigner à sa nièce l’ordre, l’économie, le ménage et la couture, tout ce qui convient à une fille pauvre, avec assez de religion pour accepter son sort tel que Dieu le règlerait d’après ce qu’il semblait en laisser prévoir.

Nicolas laissait dire sa mère. Il se proposait tout bas d’instruire Julie. Sans se croire grand maître, il se jugeait capable de lui donner quelques éléments de lecture et d’écriture et il s’ouvrit à sa mère de ce projet. Elle le trouva à son gré, y voyant plus pour son fils une occupation qu’un avantage pour sa nièce. On en convint et on put voir Nicolas, par les allées, un livre à la main, repassant sa grammaire et traçant sur le sable, du bout de sa canne, de grandes lettres d’essai. Mme de Galandot avec plaisir le vit s’attribuer ce rôle de pédagogue, se réservant pour sa part le soin de diriger la conduite de sa nièce et de la chapitrer, de veiller à ses écarts et de la ramener à la discipline, ce qui arriva promptement.

Le lendemain du jour où Julie reprit possession de sa petite chambre, elle se réveilla de grand matin. Dans son lit, elle se mit, les yeux mi-clos, à fredonner un air, puis peu à peu à le chanter. Sa voix claire et aiguë retentissait dans le frais