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LA DOUBLE MAÎTRESSE

et la culotte de drap blanc, la housse des chevaux également de drap bleu. Les cheveux des hommes étaient renfermés dans un petit sac de veau noirci, appelé vulgairement crapaud. Ils portaient le chapeau à quatre cornes, celle de devant retroussée, brusquement, ainsi que celle de derrière, la corne du côté gauche horizontale et celle du côté droit inclinée pour l’écoulement de la pluie.

Les soldats avaient été fort bien reçus. On ne se lassait pas d’aller visiter leurs quartiers. Les dames se divertissaient à voir les baraques, les chevaux au piquet, l’étendard, gardé par un cavalier, l’épée à la main. Elles ne craignaient pas de marcher dans le crottin pour suivre de près les habitudes du camp dont les officiers leur faisaient les honneurs. Quant à eux, on se disputait le plaisir de les héberger, et plus d’un trouvait là bon souper, bon gîte et le reste.

Il y avait justement parmi eux un certain M. de Portebize que M. du Fresnay avait connu jadis à Paris, durant l’un des voyages qu’il y faisait quelquefois pour visiter les maîtres luthiers de la capitale et s’y fournir d’instruments de musique. Il logeait au même hôtel que l’officier. Ils se plurent réciproquement. M. du Fresnay prolongea son séjour à Paris et en revint même assez penaud et les poches vidées aux tripots où l’entraîna son nouvel ami qui y était assidu non moins qu’aux filles qui les fréquentent et sont là pour faire rendre gorge aux pontes heureux.

M. de Portebize avait cessé de l’être. En revoyant M. du Fresnay, il ne lui cacha rien de ses infortunes,