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LA DOUBLE MAÎTRESSE

visage délicat et frais, cette beauté voluptueuse et saine et qui semblait naïve. Il se poussa activement en tous sens, s’accrédita et se fût même enrichi si le goût du jeu n’eût été le tambour par lequel s’en alla ce qu’attirait la flûte aux lèvres de cette nouvelle sirène. Cela ne se passa point sans que Portebize fût cocu, mais il le sut être avec profit et bonhomie. Ses cornes furent d’abondance. Sous un air lourdaud et rustre, il était fin, expert et corrompu ; aussi se pourvut-il grassement de places lucratives où il prenait de quoi risquer au tapis vert assez pour paraître gros joueur et en acquérir une espèce de renom parmi les brelandiers de la Cour et de la Ville. Cela lui donna une importance qui, jointe aux faveurs qu’il obtint de sa complaisance conjugale, fit de lui une sorte de personnage décrié, mais à même de bien des choses.

Sa femme, pour sa part, ne se supposa jamais l’instrument de cette louche fortune. Elle n’imaginait point qu’on pût tirer de l’amour autre chose que du plaisir, ni du plaisir que ce que l’on en peut prendre soi-même. Que son mari pensât autrement, peu lui importait. Satisfait des services involontaires qu’elle lui rendait, il ne s’opposait point à son divertissement particulier. Aussi usa-t-elle en toute liberté d’un goût naturel pour la galanterie où la portait la vivacité de ses sens et auquel semblaient la disposer l’éclat même de sa chair et toute la riche exubérance de sa beauté.

Julie provoquait plus le désir qu’elle n’attirait l’amour. Elle répondait à l’un avec une prompti-