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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Mme de Kerbis dont il peignait le portrait. L’histoire courrait la ville demain, car Mme de Kerbis la colportait partout.

— « Oh ! répondit froidement M. Garonard, ce n’est point la première fois que pareille affaire se produit. J’ai dans mon atelier une bonne douzaine de toiles retournées et interrompues pour la même raison.

— Je ne comprends pas cette Kerbis, dit Mlle Damberville. Ce Garonard n’est point mal tourné de sa personne. De plus, il est riche et une Mme de Kerbis n’y regarde pas de si près à l’honneur d’un mari. N’est-ce pas, monsieur de Bercherolles ?

M. de Clairsilly qui, comme toutes les autres maîtresses de M. de Bercherolles, se prétendait aussi Mme de Kerbis, crut devoir prendre un air modeste et entendu.

— « Voyons, Garonard, comment diable vous y êtes-vous pris ? Je la croyais accommodante ?

— L’argent, dit sentencieusement M. de Bercherolles, comme s’il continuait sa pensée, est indispensable en amour. Il en faut. Certes il n’est point tout et, quand il est tout, c’est un assez vilain spectacle surtout si la seule force des écus unit la laideur à la beauté. Cela répugne. Mais l’argent est un outil admirable pourvu qu’il n’ait qu’à aider une physionomie passable. Il la dote d’un attrait subit et vous met en mesure d’avoir toutes les femmes qu’on veut au lieu de n’avoir que celles qui veulent. Il hâte et facilite et ajoute aux passions une heureuse rapidité. Il