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LA DOUBLE MAÎTRESSE

rose, les manches retroussées sur ses bras poudrés de sucre. On la surprenait en train de mélanger en des bassines des ingrédients délicats dont elle tirait des bonbons exquis et des élixirs délicieux. Elle connaissait les mérites divers des cédrats et des limons, de la coriandre et du clou de girofle et de toutes les drogues qui servent à réjouir la bouche et à divertir l’estomac.

Si elle excellait à flatter le palais, elle savait aussi amuser l’ouïe. La maison retentissait de concerts perpétuels, car M. du Fresnay jouait du violon à ravir et Mme du Fresnay accompagnait à merveille, au clavecin, sa voix qu’elle avait d’un timbre charmant. C’était d’ailleurs un ménage fidèle et tendre, uni en ce double goût de la friandise et de la musique, mais que sa parenté avec les Mausseuil rendait suspect à la vindicative Mme de Galandot.

À cela s’ajoutait que, pour aller au Fresnay, il fallait passer tout contre Bas-le-Pré et que Mme de Galandot détestait la vue de ces quatre tourelles dont les pointes aiguës lui entraient dans le souvenir comme de malfaisantes aiguilles.

Si le comte s’en tenait avec ses voisins à une politesse cérémonieuse, Mme de Galandot, pour sa part, restait sur un pied de haute réserve envers leurs femmes. Son caractère hautain les maintenait à un éloignement voulu. À les voir peu, on prêtait moins à leur bavardage. Les prétextes manquaient ainsi à leurs caquets.

Hors leur principal grief qui était contre Mme de Galandot sa retenue excessive, les langues